Denise Desautels |
Denise Desautels |
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AVANT L’AURORE
Écho entre fenêtre et fêlure. Elle le sent s’activer dans le vague de l’air ; le sent remuer fort en elle sous le muscle ; le devine, dehors dedans, jais qui s’acharne, se déploie, ample, touffu, grave, semblable à lui-même. Lui donne un nom, tout droit sorti de l’enfance et de l’automne : «Noir». Répète : «Noir». Le matin s’ouvre, vieux déjà, et la nuit s’y expose. Même broyé, même mobile, elle le reconnaît. En a l’habitude, en sait long sur son compte, forcément rejointe par ses assauts, ses mystères, ses ruses et l’empreinte qu’il laisse, à chaque instant, sur la suite du monde : lamento, nocturne, requiem, tombeau, nature morte. Sous cet angle, la lumière n’a plus tout à fait le profil de la lumière. ANTES DEL ALBA Eco entre ventana y fisura. Ella lo siente activarse en la marejada del aire; lo siente agitarse mucho en ella bajo el músculo; lo adivina, afuera adentro, azabache que se encarniza, se despliega, amplio, denso, grave, semejante a sí mismo. Le otorga un nombre, directamente sacado de la infancia y del otoño: “Negro”. Repite: “Negro”. La mañana se abre, ya vieja, y la noche se expone ahí. Incluso quebrado, incluso móvil, ella lo reconoce. Se acostumbró a él, lo conoce mucho, forzosamente le llegan sus ofensivas, sus misterios, sus ardides y la huella que deja, a cada instante, en el curso del mundo: lamento, nocturno, réquiem, tumba, naturaleza muerta. Bajo este ángulo, la luz ya no tiene en absoluto el perfil de la luz. Écrit contre l'oubli, clans la confusion des heures et des horizons, là où même les fleuves, octobre, la neige sont en péril. Avec des signes nus qui ne craignent pas le feu, écrit. Comme on dessine, comme on danse, la chambre soudain retournée, mais sa jambe ou son bras aux aguets, comptant leurs virevoltes, en surveillant la justesse, de peur qu'une distraction — oh ! presque rien, une négligence — de la cheville ou du poing ne fasse resurgir ce couac qui éteint les lampes et ce noir lancinant, absolu, qui aveugle l’espoir. Écrit, comme on crée, les pupilles lentes, avec la mémoire d’une phrase prononcée par le mendiant au lever du jour, quand la ville brûle, brûle : «Cela s’appelle l’aurore.» Escribe contra el olvido, en la confusión de las horas y de los horizontes, ahí donde incluso los ríos, octubre, la nieve corren peligro. Con signos al desnudo que no temen al fuego, escribe. Como se dibuja, como se baila, la habitación súbitamente trastocada, pero su pierna o su brazo al acecho, contando sus escarceos, cuidando la precisión, por temor de que un descuido — ¡oh! casi nada, una negligencia— del tobillo o del puño haga resurgir a ese gallo que apaga las lámparas y ese color negro lancinante, absoluto, que ciega la esperanza. Escribe, como cuando uno crea, las pupilas lentas, con el recuerdo de una frase pronunciada por el mendigo al amanecer, cuando la ciudad arde, arde: “Eso se llama aurora.”
A Annette Messager, Marjane Satrapi et Kara Walker
Ce n’est plus vivre donc C'est autre chose qu’il faut LOUISE BOUCHARD
A Annette Messager, Marjane Satrapi y Kara Walker
Esto ya no es vivir entonces Es otra cosa lo que hace falta LOUISE BOUCHARD
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