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Denise Desautels

Denise Desautels


Traducciones de Silvia Pratt

 

AVANT L’AURORE

Écho entre fenêtre et fêlure. Elle le sent s’activer dans le vague de l’air ; le sent remuer fort en elle sous le muscle ; le devine, dehors dedans, jais qui s’acharne, se déploie, ample, touffu, grave, semblable à lui-même. Lui donne un nom, tout droit sorti de l’enfance et de l’automne : «Noir». Répète : «Noir». Le matin s’ouvre, vieux déjà, et la nuit s’y expose. Même broyé, même mobile, elle le reconnaît. En a l’habitude, en sait long sur son compte, forcément rejointe par ses assauts, ses mystères, ses ruses et l’empreinte qu’il laisse, à chaque instant, sur la suite du monde : lamento, nocturne, requiem, tombeau, nature morte. Sous cet angle, la lumière n’a plus tout à fait le profil de la lumière.



ANTES DEL ALBA

Eco entre ventana y fisura. Ella lo siente activarse en la marejada del aire; lo siente agitarse mucho en ella bajo el músculo; lo adivina, afuera adentro, azabache que se encarniza, se despliega, amplio, denso, grave, semejante a sí mismo. Le otorga un nombre, directamente sacado de la infancia y del otoño: “Negro”. Repite: “Negro”. La mañana se abre, ya vieja, y la noche se expone ahí. Incluso quebrado, incluso móvil, ella lo reconoce. Se acostumbró a él, lo conoce mucho, forzosamente le llegan sus ofensivas, sus misterios, sus ardides y la huella que deja, a cada instante, en el curso del mundo: lamento, nocturno, réquiem, tumba, naturaleza muerta. Bajo este ángulo, la luz ya no tiene en absoluto el perfil de la luz.




Écrit contre l'oubli, clans la confusion des heures et des horizons, là où même les fleuves, octobre, la neige sont en péril. Avec des signes nus qui ne craignent pas le feu, écrit. Comme on dessine, comme on danse, la chambre soudain retournée, mais sa jambe ou son bras aux aguets, comptant leurs virevoltes, en surveillant la justesse, de peur qu'une distraction — oh ! presque rien, une négligence — de la cheville ou du poing ne fasse resurgir ce couac qui éteint les lampes et ce noir lancinant, absolu, qui aveugle l’espoir. Écrit, comme on crée, les pupilles lentes, avec la mémoire d’une phrase prononcée par le mendiant au lever du jour, quand la ville brûle, brûle : «Cela s’appelle l’aurore.»

Escribe contra el olvido, en la confusión de las horas y de los horizontes, ahí donde incluso los ríos, octubre, la nieve corren peligro. Con signos al desnudo que no temen al fuego, escribe. Como se dibuja, como se baila, la habitación súbitamente trastocada, pero su pierna o su brazo al acecho, contando sus escarceos, cuidando la precisión, por temor de que un descuido — ¡oh! casi nada, una negligencia— del tobillo o del puño haga resurgir a ese gallo que apaga las lámparas y ese color negro lancinante, absoluto, que ciega la esperanza. Escribe, como cuando uno crea, las pupilas lentas, con el recuerdo de una frase pronunciada por el mendigo al amanecer, cuando la ciudad arde, arde: “Eso se llama aurora.”




ET NOUS AURONS DES FILLES

A Annette Messager, Marjane Satrapi et Kara Walker

Ce n’est plus vivre donc
C'est autre chose qu’il faut

LOUISE BOUCHARD


ici, loin, dehors, je marche
quelques pas seulement
femme perdue ailleurs
sa tête ailleurs
malgré l’air connu de la marche
Seine et monuments
hauteur variable du ciel
théorie des nuages
fil, écran, voix
et mort annoncée
encore, encore
n’apprend pas à se taire

je le vois, proche
ton dernier visage
de plus en plus
ressemble aux autres
la mort à nos trousses
presque amoureuse

le cri qu’il ne pousse pas
ton dernier visage fait de l’ombre

brusquement le jour ample
je ne m’aperçois de rien
vis, marche clans l’abondance
sans témoin, à l’étroit
loin,loin
c’est touristique ici
les uns sur les autres
effarement et poussière
sans plaisir, dimanche encore

à tout prix l’essentiel
une longue traversée
du désert de la ville
mes pas de géante
mon corps, mes bras vers de vastes lieux clos

ce qui fait triompher l’essentiel
les récits sans fin, femmes
femmes sans boycott
blessures en noir et en blanc, découpes
textures, fissures, femmes
et raccommodements à venir

car nos désirs se chevauchent


Y TENDREMOS HIJAS

A Annette Messager, Marjane Satrapi y Kara Walker

Esto ya no es vivir entonces
Es otra cosa lo que hace falta

LOUISE BOUCHARD


aquí, lejos, afuera, camino
algunos pasos solamente
mujer extraviada en otro sitio
su mente en otro sitio
pese a lo familiar de la caminata
Sena y monumentos
variable altura del cielo
teoría de las nubes
filamento, pantalla, voz
y muerte anunciada
todavía, todavía
no aprende a callarse

lo veo, cercano
tu último semblante
cada vez más
se parece a los otros
la muerte nos va pisando los talones
casi amorosa

el grito que no profiere
tu último rostro genera sombra

bruscamente el día se despliega
de nada me percato
vivo, camino en la opulencia
sin testigo, en la estrechez
lejos, lejos
es turístico aquí
unos encima de otros
turbación y polvo
sin goce, domingo todavía

a cualquier precio lo esencial
una larga travesía
del desierto de la ciudad
mis pasos de giganta
mi cuerpo, mis brazos hacia inmensos sitios cerrados

lo que hace triunfar lo esencial
los relatos interminables, mujeres
mujeres sin boicoteo
heridas en negro y en blanco, recortes
texturas, fisuras, mujeres
y reconciliaciones que vienen

porque nuestros deseos se superponen


 




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