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portada-prenda.jpgPoesía en prenda
Abigael Bohórquez, Editorial Mantis, Écrit des Forges (edición bilingüe), Guadalajara, 2010

 

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Elegía del primer ingreso

Suben las escaleras de la noche
con guantes de amargura
mis voces,
porque no pueden irse ni quedarse.
Por acostarse con la soledad
mis huesos,
nadie los quiere.
Estremecen tumultos de violines
mis manos inexpertas,
y en la azotea de la luna
desprenden su tristeza mis guitarras,
y avisan a las casas
del hambre de las cuerdas que me busco
y me callo
y me renuncio.
Porque mi madre se callaba siempre,
y mi tía,
y no hubo hermanos cerca,
y obligaron mi voz a irse hacia adentro,
y a jugar al silencio con mis manos
si no tuve juguetes.
Y crecí en los rincones
tirándole pedradas al hastío,
con la lengua amarrada,
mirándome en las lunas del ropero,
porque no me enseñaron qué era el beso,
ni la palabra,
ni los automóviles,
ni el sí,
ni el no. 




Élégie de première admission

Elles montent les escaliers de la nuit
avec leurs gants d’amertume,
mes voix,
parce qu’elles ne peuvent ni partir ni rester.
Parce qu’ils couchent avec la solitude,
mes os,
personne n’en veut.
Elles émeuvent des tumultes de violons,
mes mains inexpérimentées,
et sur le toit de la lune
mes guitares égrainent leur tristesse
et avertissent les maisonnées,
invoquant la faim de cordes que je me cherche
et je me tais
et je me renonce.
Parce que ma mère se taisait toujours,
de même que ma tante,
et qu’il n’y a pas eu tout près de frères et sœurs
et qu’on a obligé ma voix à s’enfouir au dedans
et à jouer au silence avec mes mains
car je n’ai pas eu de jouets.
Et j’ai grandi dans les recoins
en lançant des jets de pierres à l’ennui,
la langue attachée,
à me regarder dans les glaces de la penderie,
parce qu’on ne m’a pas montré ce qu’était le baiser,
ni la parole ni les mots,
ni les automobiles,
ni à dire oui,
ni à dire non.




Alguna vez, el dolor y la anestesia cuando me estaban enseñando anemia y algo goteaba desde arriba; y vi dos caras nuevas: el médico y mi muerte; y sordomudo me entendí azorado, y supe qué era blanco y qué era negro y qué el pequeño Dios que me enseñaban y qué araña, aunque aún no comprenda qué es el día, ni la noche, ni yo. Me libertaron ángeles de espuma y hoy busco la cerveza y las mareas; me libertaron ángeles de humo y hoy busco las hogueras y el cigarro, pero no me enseñaron qué haría sin yo niño y sin abigael púber y ardiente, porque todas las noches me acostaba a tientas con el miedo y con la soledad, y con los alacranes de las vigas y las hormigas del doloroso despertar, porque en mi casa las ventanas eran penadamente abiertas y sólo había luz cuando velaban al recuerdo y al otro, el de los clavos.




Une fois, l’anesthésie et la douleur alors qu’on me montrait ce qu’est l’anémie et quelque chose s’égouttait d’en haut; et j’ai vu deux nouveaux visages: le médecin et ma propre mort; et sourd-muet je me suis compris effaré, et j’ai su ce qu’était le blanc et ce qu’était le noir et ce qu’était le petit Dieu qu’on me montrait et ce qu’était une araignée, malgré que je ne comprenne pas encore ce qu’est le jour, ni la nuit, ni moi-même. Puisque des anges d’écume m’ont délivré je cherche aujourd’hui la bière et les marées; puisque des anges de fumée m’ont délivré je cherche aujourd’hui les bûchers et la cigarette, mais on ne m’a pas montré ce que je ferais sans moi enfant et sans abigael pubère et ardent, parce que tous les soirs je me couchais à tâtons avec la peur et la solitude et les scorpions cachés sur les poutres et les fourmis du douloureux réveil, parce que chez moi les fenêtres étaient péniblement ouvertes et qu’il n’y avait de lumière que lorsqu’on veillait soit le souvenir soit l’autre, celui qu’on a percé de clous.


1960

Luego me depusieron repentinamente,
y no sabía de las avenidas,
ni de los niños,
ni de las campanas,
porque en mi casa las ventanas
estuvieron cerradas veinte años,
y sólo me decían que la lluvia
era agua porque no la veía
y que el viento era malo
y se llevaba
a los que se asomaban a mirarlo.
Ahora conozco todo y no lo entiendo,
palpo el ritmo solar y no lo creo,
y a todos les pregunto
si se come la luna

o si es un pájaro árbol fugitivo,
aunque no sé qué es árbol
ni qué es fuga
y me busco
y me callo
y me renuncio;
acostumbro a mi piel a que se entibie
y a mis zapatos a que pisen
y a mis ojos a que indaguen
todos los territorios,
porque no me enseñaron qué era el beso,
ni la palabra,
ni los automóviles,
ni el sí,
ni el no.
Y no haber sido
y no ser.





1960

Ensuite on m’a soudainement déposé,
et je ne savais rien des avenues,
ni des enfants,
ni des cloches,
parce que chez moi les fenêtres
ont été fermées pendant vingt ans,
et on ne faisait que me dire que la pluie
était de l’eau parce que je ne la voyais pas
et que le vent était mauvais
et qu’il emportait
ceux qui se penchaient aux carreaux pour le voir.
Maintenant je connais tout et je ne le comprends pas,
je tâte le rythme solaire et ne le crois pas,
et je demande à tout le monde
si on peut manger la lune
ou si un oiseau est un arbre fugitif,
bien que je ne sache pas ce qu’est un arbre
ni ce qu’est la fuite
et que je me cherche
et je me tais
et je me renonce;
j’habitue ma peau à tiédir
et mes souliers à fouler le sol
et mes yeux à fureter
dans tous les territoires,
parce qu’on ne m’a pas montré ce qu’était le baiser,
ni la parole ni les mots,
ni les automobiles,
ni à dire oui,
ni à dire non.
Et à ne pas avoir été
et à ne pas être.




Merced 

Porque estoy, porque sigo,
porque he sido,
porque todo me viaja, me indica, me subsiste
y el viejo corazón pulsa su herida;
porque médulamente,
frumental,
incombusto,
me doy, clamo, me pueblo,
me complico, me encubro, me encolmeno,
y porque el canto está
y es éste,
es esto,
esto que ama,
—qué eres, di, corazón, eres el aire?,
eres el sol del aire del estío?—
es que de esta manera mi niñez,
mi adolescencia pálida, mi culpa nueva, mi juventud
pide merced
para cantar.




Grace

Parce que je suis ici, parce que je suis encore,
parce que j’ai été,
parce que tout me voyage, m’indique, me subsiste
et que le vieux cœur bat sa blessure;
parce que moellement,
frumental,
non brûlé,
je me rends, je clame, je me peuple,
je me complique, je me recèle, je m’enruche,
et parce que le chant est là
et que c’est celui-ci,
c’est justement cela,
cela qui aime

— qu’es-tu donc, raconte, mon cœur, es-tu l’air?,
es-tu le soleil de l’air en été?—
il arrive que de cette manière mon enfance,
ma pâle adolescence, ma culpabilité nouvelle,

ma jeunesse demande la grâce pour entonner un chant.


 

Canto 

Detiénese mi voz en este instante,
se ahonda en las señales espaciosas mi corazón,
y así, frente a la pompa solar y la hoja exigua,
y la mezquina savia y la canícula,
nunca tuvo la luz tanta blancura;
refulge mi poramen
y, ya cierto de mí,
presencia desasida y el poema,
al aterido ámbito traslúmbrome.
Y el día reina como un héroe
con su esqueleto de diamante,
y el cielo se descubre recomenzando sus aceros,
y llega la voz tórtola
minuciosa y paupérrima;
baja la voz jadeo solemnemente cal
y es necesario hundirse,
buscar la contraseña de la voz palofierro;
la voz liebre
se hace una solalenta hospedería en la avidez recóndita,
y la voz lagartija contraviene
caminando en puntillas sobre su misma sombra;
conocedora del arte de la sed
la voz víbora trema;
la estepa desahuciada
deja que abra sus dedos la voz cacto,
y arde envuelta bajo el pavor celeste
la voz inmensidad;
el viento azota la voz lastimadura




Chant

S’arrête ma voix en cet instant,

et s’approfondit mon cœur dans les signes spacieux,

et ainsi, devant la fastueuse bulle solaire et la feuille exiguë,

et la sève mesquine et la canicule,

la lumière ne revêtit jamais tant de blancheur;

tous mes pores resplendissent

et, une fois sûr de moi,

présence détachée et le poème,

j’eus tôt fait de m’éblouir au domaine transi.

Et le jour règne comme un héros

avec son squelette en diamant,

et le ciel se découvre, refaçonnant ses métaux,

et arrive alors la voix tourterelle

minutieuse et si pauvre;

la voix halètement descend solennellement chaux

et il faut alors s’enfoncer,

chercher le mot de passe de la voix bois de fer;

la voix lièvre

devient une seule-lente auberge dans l’avidité cachée,

et la voix lézard contrevient

foulant sur la pointe des pieds son ombre même;

connaisseuse de l’art de la soif

la voix vipère trémule;

la steppe condamnée à mourir

laisse la voix cactus ouvrir ses doigts,

et brûle alors enveloppée sous la frayeur céleste

la voix immensité;

le vent fouette la voix meurtrissure




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