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Justine Lemoine

No. 49 / Mayo 2012


 

Justine Lemoine

Traducción de Sandra Ortiz

 

Guadeloupe

Je reviens d’une île majuscule
où les fruits tombent d’arbres trop féconds

qui tombent et roulent
de Caraïbe en Atlantique
pour transformer en écume
leur chair mûre.

Je vous écris depuis ce rêve ancien
où les hommes se noient
en voulant goûter
au noirs fruits
du mancenillier.

Île sensuelle
aux courbes papillonnes
tatouant les contours du vent
de voix noires et profondes.

Voix d’âmes
éloignées
arrachées
égarées
du pays natal.

Île bruissante d’esprits
qui au soir tombé
jouent le tam-tam
pour faire danser
les hommes-cannes.

Le sang des lunes mortes
a fertilisé la terre
pour que les ombres renaissent
moins noires qu’elles n’ont été crées.

Je vois ces ombres se mélanger
au ciel, à la mer, à la terre,
et prêter leur histoire aux générations nouvelles.

J’entends les grenouilles
voler leur voix aux oiseaux
pendant que les lézards courent sur les murs.

Bercées par le hamac
les étoiles tanguent
du doux roulis
des rêves qu’on égare
pour mieux les retrouver
lorsque le jour sera levé.

Je vous écris d’une île
dont le nom même
porte la houle de la mer.

Île chaloupée
qui glisse sur l’eau transparente
des navires négriers
lourds d’une cargaison d’infamie.

Cargaison fichée dans la chair
de tes habitants qui portent en eux
les haillons de la haine mal éteinte.

Je vous parle d’une île
que vous ne comprenez pas

là-bas

où les hommes sont blancs et froids
comme les squelettes de nos ancêtres
jetés en osselets éparpillés.

Je vous parle d’une île sans passé
pour les hommes qui ne savent écouter
les rumeurs du pays natal.



Guadalupe

Vengo de una isla mayúscula
donde las frutas se desprenden de árboles fértiles

que caen y ruedan
del Caribe al Atlántico
para transformar en espuma
su madura piel.

Les escribo desde ese antiguo sueño
en el que los hombres se ahogan
queriendo saborear
las negras frutas
del manzanillo.

Isla sensual
de curvas mariposas 
que tatúan los contornos del viento
con voces negras y profundas.

Voces de almas
alejadas
arrancadas
extraviadas
del país natal.

Isla murmurante de espíritus
que al caer la noche
tocan el tam-tam
para hacer bailar
a los hombres-caña.

La sangre de las lunas muertas
fertilizó la tierra
para que las sombras renacieran
menos negras de lo que las crearon.

Veo esas sombras mezclarse
con el cielo, con el mar, con la tierra,
y prestar su historia a las nuevas generaciones.

Escucho a las ranas
robarles sus voces a los pájaros
mientras corren las lagartijas sobre los muros.

Mecidas por la hamaca
las estrellas cabecean
por el dulce arrullo
de los sueños que extraviamos
para reencontrarlos
cuando el día se levante.

Escribo sobre una isla
cuyo nombre mismo
porta el oleaje del mar.

Isla contoneante
que se desliza sobre el agua cristalina
de los buques negreros
cargados de infamia.

Cargamento adherido en la piel
de tus habitantes que traen con ellos
los harapos del odio mal extinto.

Les hablo de una isla
que ustedes no comprenden

allá

donde los hombres son blancos y fríos
como los esqueletos de nuestros ancestros
tirados como huesecillos dispersos.

Les hablo de una isla sin pasado
para hombres que no saben escuchar
los rumores del país natal.


Il y avait un jardin

Il y avait un jardin
aux fruits amers et doux
caché au creux de tes paupières

J’y ai cueilli quelques promesses
et une jonquille

Il y avait dans ce jardin
une cascade transparente
emprisonnant le soleil

J’y ai nagé
sentant l’eau glacée
devenir neige sur ma peau

J’ai croqué
sur tes lèvres
l’aube inanimée
et dessiné
la nuit sur ton dos

Et ivre,
ivre
d’avoir bu l’eau de vie,
l’eau vivante et belle
de ce jardin caché
je me suis endormie.



Había un jardín

Había un jardín
de frutas amargas y dulces
escondido en los huecos de tus párpados

Donde recolecté algunas promesas
y un junquillo

Había en ese jardín
una cascada transparente
que aprisionaba al sol

Nadé hacia ella
sintiendo el agua helada
convertirse en nieve sobre mi piel

Mordisqueé
sobre tus labios
el alba inanimada
y dibujé
la noche sobre tu espalda

Y ebria,
ebria
de haber bebido el aguardiente,
el agua vital y bella
de ese jardín escondido,
me dormí.


Je viens d’un pays

Je viens d’un pays où l’on marche pieds nus
pour sentir le chant sylvestre,
les murmures de la terre,
et la sève vivante sous nos pas.

Pieds nus,
sur la mousse comme d’autres sur le bitume
fuyant les arbres gris de la ville furie.

Nous marchons
dans le giron de Dame Nature,
enfants de la Terre
nous sommes ses arbres volants.

Je viens d’un pays où l’on marche pieds nus
pour sentir le chant sylvestre,
les murmures de la terre,
et la sève vivante sous nos pas…



Vengo de un país

Vengo de un país donde se camina descalzo
para sentir el canto silvestre,
los murmullos de la tierra,
y la savia viva bajo nuestros pasos.

Pies desnudos
sobre el musgo como otros en el asfalto
que huyen de los árboles grises de la ciudad furia.

Caminamos
en el seno de Madre Naturaleza,
hijos de la Tierra,
somos sus árboles volantes.

Vengo de un país donde se camina descalzo
para sentir el canto silvestre,
los murmullos de la tierra,
y la savia viva bajo nuestros pasos…



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