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Louise Dupré 

No. 52 / Septiembre 2012


 

Louise Dupré

Traducción de Marina López Martínez



Tout près
/ Muy cerca

à J.-P.

Personne n’a le droit d’exiger de la mer qu’elle porte tous les bateaux, ou du vent qu’il gonfle perpétuellement toutes les voiles.

[Nadie tiene el derecho de exigirle a la mar que transporte todos los navíos o al viento que infle perpetuamente todas las velas.]

Stig Dagerman

Au centre du visage / En el centro del rostro

1

Je ne suis de nulle part quand le ciel rétrécit, d'aucune forêt, d'aucune ville, comme une femme assise dans sa petitesse de femme et qui cherche son visage à travers une fenêtre camouflée. Là, dans le souvenir de ma mort, de l'instant exact où la respiration m'a quittée, je me berce sans faire de bruit, surprise de me retrouver intacte dans la volonté du monde, d'offrir mon nom à la morsure du soleil. Car il fait jour encore même si le jour a cessé et je veille devant les bouquets des cimetières. Je me veille, tranquille, parmi tant d'autres âmes qui n'ont pas su résister.

No soy de ninguna parte cuando se estrecha el cielo, de ningún bosque, de ninguna ciudad, como una mujer sentada en su menudencia de mujer que busca sus rasgos a través de una ventana camuflada. Allí, en el recuerdo de mi muerte, del instante exacto en el que me abandonó la respiración, me mezo sin hacer ruido, sorprendida por hallarme intacta en la voluntad del mundo, por ofrecer mi nombre a la garra del sol. Porque todavía es de día, a pesar de que el día haya declinado, y aguardo ante los ramos de los cementerios. Velo por mí, tranquila, entre tantas almas que no han sabido resistir.

2

Autour, trop de drames qu'il a fallu dérober, trop, tellement trop de silence. Comme si, à révéler la misère des humains, je risquais d'être abandonnée à la dévoration, ventre ouvert sur la place publique, viscères que fouillent des bêtes voraces. Et pourtant, écrire commence par la honte d'une mort sordide, la sienne, toujours, quand la main gauche, hésitante d'abord, se cramponne à une vérité, quand elle se coupe de son corps d'enfance, du blanc opaque qui enveloppe la mémoire.

Écrire commence par une trahison.

Alrededor, demasiados dramas encubiertos, tanto, tanto silencio, demasiado. Como si, al desvelar la miseria humana, me arriesgara a un abandono que me condenara a ser devorada, con el vientre desgarrado en medio de la plaza pública, vísceras en las que hurgan bestias voraces. Y, sin embargo, escribir empieza por la vergüenza de una muerte sórdida, la nuestra, siempre, cuando la mano izquierda, titubeante al principio, se aferra a una verdad, cuando se despega de su cuerpo de la infancia, del blanco opaco que envuelve la memoria.

Escribir empieza por una traición.

3

Et l'on devient l'enfant qu'on n'a jamais su être, insolente devant les insectes qui bourdonnent dans la caverne de l'oreille. Quelque chose du monde entre en soi, qu'on ne refuse plus, une pureté de la douleur. Cela envahit, cela nous projette hors du lit, les nuits de grand noir où l'on ne suppose rien de la beauté, sinon la surprise de bouger, de sentir gonfler ses cordes vocales, de dire je suis une voix brisée dans la rumeur, mais une voix qui essaie de dessiner la vie aux pierres où reposent les fossiles.

Y nos convertimos en la niña que no hemos sabido ser, insolente frente al zumbido de los insectos en la caverna de la oreja. Algo del mundo penetra en nosotros, no lo rechazamos más, una pureza del dolor. Nos invade, nos proyecta fuera de la cama, las noches muy negras en las que no suponemos belleza alguna, salvo la sorpresa de movernos, de sentirnos las cuerdas vocales hinchadas, de decir soy una voz quebrada en el rumor, pero una voz que intenta insuflar vida a las piedras donde descansan los fósiles. 

4

Telle une amante qui brûle sa peur jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un petit tas de braise, j'aime que les feuillages poussent dans le sucré des larmes, au centre du visage, dans son étonnement. La lumière. La sérénité, l'écho que trouve la voix si elle emprunte de nouveaux parcours. Apprendre à prononcer le nom de mon père en souriant, consentir, solide devant les carillons des églises, séparée. Et la mémoire range ses linceuls, le corps cède aux étés des jardins.

Como una amante que calcina su miedo hasta reducirlo a unos cuantos rescoldos, me gusta que las ramas crezcan en lo azucarado de las lágrimas, en el centro del rostro, en su asombro. La luz. La serenidad, el eco que apresa la voz si se adentra por nuevas sendas. Aprender a pronunciar el nombre de mi padre mientras sonrío, sobrellevarlo, firme frente a los carillones de las iglesias, aislada. Y la memoria recoge sus mortajas, el cuerpo cede ante los veranos de los jardines.

5

Combien de fleurs sous nos robes du dimanche, roses et crinolines sautillant vers l'église, tandis que nos mères, enserrées dans leur écorce de mères, marchaient en rêvant d'un christ qui rachèterait le vide des chambres. J'étais alors une fillette joyeuse, avec la prunelle claire des croyants. Car Dieu était un homme dans la monotonie du ciel penché, et l'absence longue comme les hivers. Dieu était un homme et je lui confiais, à voix basse, mes tentations les plus osées. J'entrais alors, avec sa complicité, dans l'impatience des livres.

Cuántas flores bajo nuestros vestidos de los domingos, esas rosas y crinolinas que daban saltitos hacia la iglesia, mientras nuestras madres, ceñidas por su corteza de madres, caminaban fantaseando con un Cristo que redimiría el vacío de los dormitorios. Era entonces una niña alegre, con la pupila clara de los creyentes. Porque Dios era un hombre en la monotonía del cielo inclinado, y la ausencia larga como los inviernos. Dios era un hombre y le confiaba, en voz baja, mis tentaciones más atrevidas. Me adentraba entonces, con su complicidad, en la impaciencia de los libros.

6

Derrière l'ongle, le doigt est plus pâle. Il s'agit pourtant d'une perception, je sais, le bel effroi des yeux, le jour qu'il faut ouvrir pour que les mots se lovent dans les sensations qu'ils allument. Midi sonne et je tremble. Entre regard et toucher, l'imagination oscille, presque vulgaire, de cette vulgarité qui mouille les lèvres, dans les vergers, devant les fruits qu'on ne doit pas cueillir. On comprend mieux le désir à l'angélus, quand le sol vibre à l'appel des clochers, peau de rêve insoumise.

Tras la uña, el dedo luce más pálido. Mera percepción, lo sé, el bello espanto en los ojos, cuando es necesario abrir el día para permitir a las palabras enroscarse en las sensaciones que encienden. Mediodía suena y tiemblo. Entre mirar y tocar, la imaginación se tambalea, casi vulgar, de esa vulgaridad que moja los labios, en los vergeles, delante de las frutas que no debemos probar. Se entiende mejor el deseo durante el ángelus, cuando el suelo vibra a la llamada de los campanarios, piel de sueño insumisa.

7

On ne soupçonne jamais qu'une parcelle de la vérité, celle qui apparaît durant nos promenades quand le ciel monte haut derrière la montagne. Juste assez de vérité pour que l'espoir surgisse de nos chimères. Une maison, des murs tapissés de livres et de photos, un ange qui déploie ses ailes dans la lumière et l'amour, l'amour sans la fin de l'amour, l'amour sans fin qu'on cherche à imprimer dans le rythme de nos pas pour le rendre réel, musique recouvrant la ville d'un étrange apaisement, comme si les rues menaient à une mer aveuglée d'oubli.

Apenas sospechamos una parcela de verdad, la que aparece durante nuestros paseos cuando el cielo trepa alto tras la montaña. La suficiente verdad para que brote esperanza de nuestras quimeras. Una casa, paredes tapizadas con libros y fotos, un ángel que despliega sus alas en la luz y el amor, el amor sin el final del amor, el amor sin fin que intentamos imprimir en el ritmo de nuestros pasos para convertirlo en real, música que recubre la ciudad de una calma extraña, como si las calles condujeran a un mar cegado de olvido.

8

Poème, oui, puisqu'il faut s'égarer. La ville n'a qu'une rumeur, la même toujours, une plainte insistante à l'heure du repos, quand la tête brasse des images aussi vieilles qu'une vie, adieux, tristesses, ces petits désastres qui ont fait de nous des bêtes effrayées, léchant leurs plaies dans des criques obscures. Poème. Poème si nous arrivons au bout de l'abandon, avec le bégaiement presque heureux des êtres qui ont connu l'abîme.

Poema, sí, si hemos de extraviarnos. La ciudad abriga un rumor, solo uno, siempre el mismo, una queja insistente durante la hora del descanso, cuando la mente remueve, mezcla imágenes tan viejas como una vida, despedidas, tristezas, esos pequeños desastres que nos han convertido en animales asustados que lamen sus heridas en calas oscuras. Poema. Poema si llegamos al final del abandono, con el tartamudeo casi feliz de los seres después del abismo. 

9

Et je me tourne une fois de plus vers ma mère, qui parle de la mort avec la simplicité de l'évidence. Les mots se brisent contre le corps, maintenant tassé sur lui-même, le soir s'enroule autour du temps. Il n'est plus question de mentir. Mais, dit-elle, les filles continuent de rêver, elles veulent réinventer ce qu'elles appellent le bonheur, marquer de leur présence le territoire étroit que nous leur avons légué. Elle parle, et la fatalité semble soudain traversée de fenêtres, et les oiseaux s'échappent de leurs cendres.

Y me giro una vez más hacia mi madre, que habla de la muerte con la sencillez de la evidencia. Las palabras se estrellan contra el cuerpo, ahora encogido, el atardecer se enrolla alrededor del tiempo. Toda mentira queda por fin descartada. Pero, dice, las chicas siguen soñando, quieren reinventar lo que llaman felicidad, marcar con su presencia el territorio estrecho que les hemos legado. Habla y la fatalidad parece de pronto atravesada de ventanas, y los pájaros se escapan de sus cenizas.

10

Mais une parole de trop et la peur pourrait resserrer sur moi sa mauvaise misère, je ne sais plus ce qu'il faut dire de ce qui m'habite et je veille, la nuit, la terre collée aux yeux, locataire de l'ombre que franchit mal la légèreté de l'aube. Je reste ainsi, immobile pendant des heures, muette, tandis que, tout près, quelqu'un attend peut-être une bouche qui survivrait à son propre arrachement.

Pero una palabra de más, y el miedo podría abrazarme con su maldita miseria, he dejado de saber qué debo decir de cuanto me habita y aguardo, de noche, la tierra pegada a los ojos, inquilina de la sombra que la ligereza del alba franquea con torpeza. Así permanezco, inmóvil durante horas, muda, mientras que, muy cerca, alguien espera quizás una boca que sobreviva a su propio desgarro.

11

Comment recouvrir de lumière les blocs d'ombre qui pèsent sur le sol ? Il s'agit sans doute d'avancer, et de me mettre à courir, jusqu'à l'essoufflement, le vertige, la peur de trébucher, de me retrouver, seule, face contre terre, sans pouvoir me relever. Car il suffit parfois d'imaginer sa propre agonie pour que les motifs de mourir coïncident avec la vie. La raison de nouveau s'illusionne, la ville se peuple, cris, bruissements, orgues du soir et les lèvres mouillent sous le doigt qui les effleure.

¿Cómo recubrir de luz los bloques de sombra que pesan sobre el suelo?
Avanzar sin duda, empezar a correr hasta que pierda el resuello, el vértigo, el miedo a tropezar, a encontrarme sola, tendida de cara a la tierra, sin poder levantarme. Basta a veces imaginar su propia agonía para que los motivos de morir coincidan con la vida. La razón de nuevo se ilusiona, la ciudad se puebla, gritos, cuchicheos, organillos en la noche y los labios se humedecen bajo el dedo que los roza.

12

De nouveau, c'est le désir. Et la ville s'arrête encore une fois, presque timide devant tant de désordre, encore une fois vidée de ses yeux, oubliant les passions qui se sont noyées dans la bouche des fleuves. Encore une fois c'est la nuit, verticale, encombrée de voyelles, qui m'emporte dans son tremblement. Et j'acquiesce, avec la gravité des jeunes filles lorsqu'elles ouvrent leurs cuisses devant un homme, je m'abandonne pour que le temps ne cesse pas de durer, malgré la menace, toujours présente, d'un horizon détruit à la manière des visages.

De nuevo, es el deseo. Y la ciudad se detiene una vez más, casi tímida ante tanto desorden, una vez más vaciada de sus ojos, olvidadas las pasiones que se han ahogado en la boca de los ríos. Una vez más la noche, vertical, obstruida con vocales, que me arrastra en su temblor. Y asiento, con la gravedad de las jóvenes cuando abren sus muslos frente a un hombre, me abandono para que el tiempo no deje de durar, a pesar de la amenaza, siempre presente, de un horizonte destruido como si se tratara de unas facciones.

13

Voilà que je prends à nouveau le mot amour dans la pauvreté de mes mains, et la lumière se met à courir sur l'abandon des chambres, et je recommence à rêver le rêve, comme un poème que je n'achèverai qu'à l'instant de ma mort, alors que, vieillie et ridée, je me blottirai un moment encore contre la substance apaisante de la langue. Puis je me laisserai doucement basculer là où les mots ne trouvent plus de place dans la bouche, dans ce lieu où s'effacera pour toujours le visage incendié de ma mère.

Je m'engouffrerai sans peur dans le jour le plus noir.

He aquí que tomo la palabra amor en la pobreza de mis manos, y la luz arranca a corretear en el abandono de las habitaciones, y vuelvo a soñar el sueño, como un poema que solo terminaré en el instante de mi muerte, cuando, envejecida y arrugada, me acurrucaré un momento más contra la sustancia tranquilizadora de la lengua. Luego, me dejaré bascular suavemente allí donde las palabras dejen de hallar un hueco en la boca, en ese lugar donde se desdibujará para siempre los rasgos incendiados de mi madre.

Me adentraré sin miedo en el día más negro.



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