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Laurent Bouisset

No. 76/ Febrero 2015



Laurent Bouisset
(Traducción por Alba-Marina Escalón)


Trois poèmes de Laurent Bouisset


Avec les loups

pour Antoine Volodine & Yannick Thiriet



Ce que je voudrais
Je crois
Oui

Me tenir

Pile à l’instant

A l’endroit même de ma mort

Nu complètement
Vide de mots

Sur le seuil
Là-bas

Dans le vent froid

Avec les loups


Passe dans mes yeux la solitude d’une comète


Baigné
Mon front
Enfin

De l’encre

Vraie


Une seconde
Pas plus
Oui
M’y tenir

Là-bas


Non pas
Comprenez-moi
Que je sois
Las
De vivre

Bien au contraire

Non pas que
L’existence
Me répugne

Enfin bien sûr que si
Dans ses grandes lignes
Mais peu importe


Je crois être de ceux
Assez fous
Pour l’attiser

Cette répulsion

Au point d’en faire un cri


Très peu m’importe
D’ailleurs
Que ce cri-là
S’appelle révolte
Jouissance
Douleur

Angoisse
Paix
Guerre

Tant qu’il sait faire fuser
Sur la toile
De ces couleurs
Si agréables

On dirait presque par instants des chevelures

C’est le printemps alors
Marseille s’embruine
Et le parfum
Des jeunes filles
Se mêle à la blessure

On aimerait s’étendre

Mais non
Mais peu importe
Vraiment
Oui que cela
Ce cri
Se nomme
Saccage
Etreinte

Bonheur

Qu’est-ce que cela change à l’urgence
Que j’ai
De me tenir

Pile à l’instant

A l’endroit même de ma mort

Avec les loups ?

Non pas que je veuille
En finir
Non

Vraiment pas


Bien plutôt qu’envisager
Crûment

Avec violence même
S’il le faut

Ce qu’il ne me reste plus
De temps
A vivre

Loin de m’amoindrir

De me laisser
Sur la langue
Un vague goût de cendre

Je pense m’aiderait


Vraiment
Oui


Avec aplomb
Rage
Détermination

A décider
De

Quelle ne doit plus être
Non

Quelle non jamais plus jamais
Non
Ne sera
MA VIE

Si chère


Torse nu
Sur le seuil
J’EN FAIS LE VOEU
AVEC LES LOUPS


Quelle non jamais plus jamais
Non
Ne sera

MA VIE

Si chère

Dans son sublime
Cahotant




Junto a los lobos

para Antoine Volodine & Yannick Thiriet

Lo que quisiera

Sostenerme

Justo en el instante
En el lugar exacto de mi muerte

Desnudo totalmente
Vacío de palabras

En el umbral
Allá

En el aura fría

Junto a los lobos

Pasa en mis ojos la soledad de un cometa

Mojada
Mi frente
Al fin

De tinta
Verdadera

Un segundo
No más


Sostenerme
Allá

No es
Entiéndanme
Que esté
Hastiado
De vivir

Al contrario

No es que
La existencia
Me repugne

Bueno claro que sí
En general
Pero qué importa

Debo ser de aquellos
Que son tan locos
Para atizar

Esa repulsión

Hasta volverla grito

Muy poco me importa
Por cierto
Que ese grito
Se llame revuelta
Deleite
Dolor

Angustia
Paz
Guerra

Mientras que sepa salpicar
El lienzo
De esos colores
Tan amenos

Parecen casi por instantes cabelleras

Es primavera por eso
Marsella se enllovizna
Y el perfume
De las chicas
Combina con la herida

Darían ganas de tenderse

Pero no
Pero qué importa
De veras
Sí que eso
Ese grito
Se llame
Saqueo
Abrazo

Felicidad

¿Qué le cambia eso a la urgencia
Que tengo
De sostenerme

Justo en el instante

En el lugar exacto de mi muerte

Junto a los lobos?

No es que quiera
Acabar con todo
No

De veras no

Mejor en vez de proyectar
Crudamente

Hasta con violencia
Si no hay más remedio

Lo que ya no me queda
De tiempo
De vida

Lejos de aminorarme

De dejarme
Sobre la lengua
Un impreciso sabor a ceniza

Pienso me ayudaría

De veras


Con aplomo
Ira
Valentía

A decidir
Qué

Cuál ya no debe de ser
No

Cuál no nunca más nunca
No
No será
MI VIDA

Tan querida

Torso desnudo
En el umbral
LO JURO
JUNTO A LOS LOBOS

Cuál no nunca más nunca
No
Será
MI VIDA

Tan querida

En su sublime
Sacudir




Sourire blessé

Pour Alain Bashung


Profond
Toujours
Plongés

Dans le coeur sombre
De l’agave

Tes bras réclament


Cette piqûre d’ombre
Du poème

Echarde
Claque

Eclat

Sourire blessé


Tout ce sans quoi l’éternité
De la rive

Au loin

Si lentement
Versée

Cesse de bruire


Le temps d’un souffle
A peine
Couvre sa plaie

De cet habit terrible de demi-lumière

Profond
Toujours
Plongés

Dans le coeur sombre
De l’agave

Tes bras réclament


Trop
Bien trop

Bien plus
De lait
Qu’il n’y a à boire


Le corps
Rien d’autre
Du couchant

Dans sa cruauté rose




Sonrisa herida

Para Alain Bashung


En lo hondo
Siempre
Hundidos

En el centro oscuro
Del agave

Tus brazos exigen

El pinchazo de sombra
Del poema

Astilla
Restalla

Destello

Sonrisa herida

Todo aquello sin lo que la eternidad
De la orilla

A lo lejos

Tan lentamente
Derramada

Cesa de susurrar

El tiempo de un respiro

Apenas
Cubre su llaga

Con ese terrible traje de media-luz

En lo hondo
Siempre
Hundidos

En el centro oscuro
Del agave

Tus brazos exigen

Mucha
Muchísima

Mucha más leche
De la que hay para beber

El cuerpo
Sin más
Del atardecer

En su rosa crueldad




Le bord exact de la combustión

Un battement de cil à peine
Le cliquètement fugace d’un briquet
Et elle est là

-

Elle est là loin

-

Très loin de se laisser anéantir par le cyclone vorace
Des gens autour
Fumée chants cris les rires
Les crânes barbares furieusement entrechoqués comme des verres

Tout cela maintenant n’existe plus

-

Elle a consumé tout

Apparaissant

Même l’horizon

-

Ou plutôt non

Disons qu’apparaissant

Elle a ensommeillé

-

D’on ne sait où vraiment jaillie
Une eau se verse

Entre vous deux

Limpidement

Tes yeux
Vers elle
Y vont

Maintenant

Lancer un voilier

-

Ce voilier-là
Ses cils revêches
Ne l’accueillent pas avec douceur

Ce voilier-là
Ses yeux de louve
Le déchirent même

Le déchiquètent

L’envoient sombrer quelque part loin

Dans les tréfonds d’obscurité du comptoir lourd

-

Loin de te refroidir
Ce carnage-là
Je crois bien oui qu’on peut le dire

T’a attisé

A elle maintenant

-

A elle maintenant d’aller jeter une pirogue
Subtile
Discrète

Presque en papier

Cette pirogue si pleine de grâce
Et dérivant fragilement

A la surface muette des eaux

Tes yeux s’en bâfrent

Animalement

-

Vous voilà ainsi donc rendus au bord

-

Au bord exactement de l’imprudence

-

Vous pouvez parfaitement plonger
Maintenant

Plonger très fort

D’une tête une seule

Et déserter l’attente

Vous pouvez parfaitement aussi rester

-

Lointains longtemps

De part et d’autre de cette eau

A l’explorer avidement

-

Egalement encore tout suicider
Bien sûr

Reprendre vos yeux comme si de rien n’était
Et repartir

Maintenant seuls

Seuls et rongés magnifiquement par le fantôme d’un même regret

-

Mais ce serait mentir
Que dire cela

Dire que tous deux
A l’heure qu’il est

Avez encore le choix

-

L’instant s’est maintenant gorgé de lave

Gorgé de lave jusqu’à craquer

-

Une seconde
Un siècle au moins

Que plus un seul de vos gestes ne dépend

Que plus une seule de vos pensées n’infléchit plus du tout
Le cours

-

Une seconde un siècle au moins que l’issue même de la nuit est arrimée

C’est tout

Seulement

Avant toute chose

Au mouvement ou non d’une planète

-

Lointaine

-

Brûlante

-

Au bord d’entrer précisément
A cet instant

Avec une infinie lenteur

Silencieusement

En combustion entre vos doigts




La orilla exacta de la combustión

Apenas un parpadeo
El tintineo fugaz de un encendedor
Y ella está allí
-
Está allí lejos
-
Muy lejos de dejarse aniquilar por el ciclón voraz
De la gente alrededor
Humo cantos gritos y las risas
Los cráneos bárbaros entrechocándose con furia como vasos

Ahora ya no existe todo aquello

-

Consumido todo

Apareciendo

Hasta el horizonte
-
O más bien no
Digamos que apareciendo
Ella lo ensoñó
-
De quien sabe donde surgida
Un agua brota
Entre ustedes dos
Límpidamente
Tus ojos

Hacia ella
Se dirigen

Ahora

Lanzar un velero

-

Ese velero
Sus ariscas pestañas
Sin dulzura lo reciben

Ese velero
Sus ojos de loba
Hasta lo desgarran

Lo destrozan

Lo mandan a hundirse por allá lejos

En la profunda oscuridad de la barra pesada

-

Lejos de desanimarte
Esta matanza
Digamos que más bien

Te encendió

A ella le toca ahora

-

A ella le toca ahora mandar una piragua
Sutil
Discreta

Casi de papel

Esta piragua tan llena de gracia
Derivando frágilmente

Sobre la superficie muda de las aguas

Tus ojos la engullen
Animalmente

-

Acaban de llegar a la orilla

-

A la orilla exacta de la imprudencia

-

Pueden perfectamente aventarse
Ahora

Aventarse con fuerza

De un solo

Y traicionar la espera

También pueden perfectamente permanecer

-

Lejos mucho tiempo

A un lado y a otro de esta agua

Y explorarla ávidamente

-

O sino suicidarlo todo
Por supuesto

Recoger sus ojos como si nada
Y partir

Solos ya

Solos y magníficamente carcomidos por el fantasma de un mismo arrepentimiento

-

Pero sería mentir
Decir eso

Decir que los dos
A estas horas

Tienen alternativa

-

El instante ya se llenó de lava

Se llenó de lava hasta reventar

-

Hace un segundo
Un siglo al menos

Que ya ninguno de sus gestos depende

Que ya ninguno de sus pensamientos influye
En el curso

-

Un segundo un siglo al menos que el desenlace de la noche está amarrado

Es todo

Solamente

Antes que nada

Al movimiento o no de un planeta

-

Lejano

-

Candente

-

A la orilla de entrar precisamente
En este instante

Con infinita lentitud

Y en silencio

En combustión entre sus dedos