Jean Portante*

No. 83 / Octubre 2015


 

Mesa de Traducciones núm. 83:
John Donne
Jean Portante
William B. Yeats
Fabio Scotto

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Jean Portante

(1950)

(Traducción de Emma Julieta Barreiro)**



tu redoutes ton vide
Cesare Pavese


y aurait-il parce qu’on se rapproche de
l’hiver un espoir à raviver
ou un cerf à endormir.
manhattan est en toscane.
si j’écris c’est parce que je sens
que les oliviers sont tristes comme
des momies muettes.
pavese dirait que la stratégie douloureuse
ne peut s’employer que quand la douleur
est un drap qui sèche sur la corde
obscure.
tard dans la nuit le charbon descend.
si comme au vide on lui donne une tombe
IL DIRA QUE SA VIE EST UN PLANCHER NOIR




temes a tu vacío
Cesare Pavese


deberíamos acaso puesto que nos acercamos
al invierno reavivar una esperanza 
o adormecer un ciervo. 
manhattan está en toscana.
si escribo es porque siento
que los olivos están tristes
como momias enmudecidas.
pavese diría que la estrategia dolorosa
sólo puede usarse cuando el dolor
es una sábana que se seca sobre un lazo
oscuro.
tarde por la noche el carbón desciende.
si como al vacío le diéramos una tumba
ÉL DIRÁ QUE SU VIDA ES UN SUELO NEGRO.





nous allions et c’était
dans un autre monde
Yves Bonnefoy


les derniers manteaux font appel
à l’hiver.
il suffit d’écarter le rideau.
il n’y a pas de neige mais il y a
une trace patiente.

froid n’est pas le mot.
de cette fenêtre-là
le jour qui entre ne vient pas
de la nuit.

rien ne vient de la nuit tout
va vers elle.
LA NUIT PEND À UN FIL DE L’AUTRE MONDE.




salíamos, y era estar 
en otro mundo

Yves Bonnefoy


los últimos abrigos hacen un llamado
al invierno.
basta con apartar la cortina.
ya no hay nieve sino
una huella paciente.

frío no es la palabra.
de aquella ventana
el día que entra no viene
de la noche.

nada viene de la noche. todo
va hacia ella.
LA NOCHE CUELGA DE UN HILO DEL OTRO MUNDO.





on ne peut plier un fleuve en crue
et le ranger dans un tiroir
Emily Dickinson


ce rien qui fait monter la sève dans les troncs
n’est pas aveugle pour un sou.
quand il glisse dans l’oubli
on dit de lui qu’il se penche
légèrement vers le nord.

c’est sa façon d’être infidèle à la verticalité.
en cela il est du clan du fleuve.
il part moins qu’il ne revient.
on ne dirait pas que c’est un nouveau tiroir.
on dirait une rencontre avec
LES AUTORITES HUMIDES.




No se puede doblar un río en crecida
y guardarlo en un cajón
Emily Dickinson


esta nada hace subir la savia dentro de los troncos
no está ciega ni por una pizca
cuando se desliza adentro del olvido
se dice de él que se inclina
ligeramente hacia el norte.

es su forma de ser infiel a la verticalidad.
en esto pertenece al clan del río.
se va menos de lo que regresa
no se diría que es un nuevo cajón.
se diría que es un encuentro con las
AUTORIDADES HÚMEDAS.





je ne veux fouiller dans les poches de personne
Pier Paolo Pasolini


je ne cherche pas à guérir
du sud ni à mettre un manteau au nord.
j’ouvre sans cesse les mains
elles sont sans cesse vides.

pour moins on se battrait à mort.
il y a dans ce combat-là une bouche
avec des cris qui reviennent de l’enfer.
pour moins on s’attacherait au rocher en
attendant l’aveuglement des aigles.
les uns sont la porte que libère
mon père quand il perd cette guerre.
il marche derrière en revenant ou devant.
d’autres histoires sont racontables.
l’une d’elles porte des lunettes.
c’est presque un aveu.
LES YEUX SONT DANS LES POCHES.

no quiero hurgar en los bolsillos de nadie
Pier Paolo Pasolini



no trato de curarme
del sur ni de ponerle un abrigo al norte.
abro sin cesar las manos
están sin cesar vacías.

por menos nos golpearíamos hasta morir.
hay en este combate una boca
con gritos que regresan del infierno.
por menos nos ataríamos a la roca
a esperar la ceguera de las águilas.
algunos son la puerta que mi padre
libera cuando pierde esta guerra.
él camina detrás o por delante al regresar.
otras historias pueden ser contadas.
una de ellas lleva gafas.
es casi una confesión.
LOS OJOS ESTÁN DENTRO DE LOS BOLSILLOS.





plus d’une fois, respirer sera loin
André du Bouchet



le matin est un voleur de distances.
le soir aussi.
on le voit à sa respiration.
si j’étais le jour ou la nuit je creuserais
UN TROU LOINTAIN AU FOND DU JARDIN.




más de un vez, respirar será lejos
André du Bouchet



la mañana es una ladrona de distancias
la noche también.
se ve en su respiración
si yo fuera el día o la noche cavaría
UN HOYO AL FONDO DEL JARDÍN.




qui laisse une trace, laisse une plaie
Henri Michaux


il n’y a rien de plus facile que de
tourner la clé dans la serrure.
le nord dit marche et le sud se lève.
le voyage durera longtemps.
appelons cette trace-là une épidémie.
inutile de mettre des gants.
LES RACINES SONT LA PLAIE DE L’ARBRE.


quien deja una huella, deja una llaga
Henri Michaux



no hay nada más fácil que
darle la vuelta a la llave en la cerradura
el norte se marcha y el sur se levanta.
el viaje durará mucho tiempo.
llamémosle a esta huella una epidemia.
inútil ponerse los guantes.   
LAS RAÍCES SON LAS LLAGAS DEL ÁRBOL.




la seine était verte à ton bras
Michel Deguy


et si du plafond descendait ce cerf du matin
et non le désir de donner
un nom au jour est-ce bien un
jour ce pont qui va et vient.

de l’eau en tout cas verte comme
l’écran du premier ordinateur et tous les
verbes se trouvent de l’autre
côté.
donner dans un tel écartement c’est
prendre.
c’est le moment que je choisis pour
passer outre.
le cerf d’en face en fait de même.
j’ai dit cerf mais c’est au verbe du
matin que je songeais et au pont plus matinal
que le besoin de sauter.
le verbe sauter me fait penser à quelqu’un.
au plafond pendille le désir de
DONNER UN BRAS AU FLEUVE QUI N’EN A PAS.




el sena era verde en tu brazo
Michel Deguy


y si del techo descendiera este ciervo de la mañana
y no el deseo de dar 
un nombre al día es acaso
un día este puente que va y viene.

es agua en todo caso verde como
la pantalla del primer ordenador y todos los
verbos se encuentran del otro
lado.
dar en tal distancia
significa tomar.
es el momento que elijo para
atravesar.
el ciervo de enfrente hace lo mismo.
dije ciervo pero es al verbo de la
mañana que yo pensaba y al puente más matinal
que la necesidad de saltar.
el verbo saltar me recuerda a alguien.
del techo pende el deseo de
DAR UN BRAZO AL RÍO QUE NO LO TIENE.


 
*Fotografía por Pascual Borzelli Iglesias
** Todos los poemas proceden de L’arbre de la disparition, poèmes, Editions PHI/Ecrits des Forges, Luxembourg/Québec, 2004.