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Péret

No. 89 / Mayo 2016


 

Mesa de traducciones



Benjamin Péret
*
(1899-1959)

(Traducción de Julia Piastro)


Hommard


Les aigrettes de ta voix jaillissant du buisson ardent de tes lèvres
où le chevalier de la Barre serait heureux de se consumer
Les éperviers de tes regards pêchant sans s'en douter toutes les sardines de ma tête
ton souffle de pensées sauvages
se reflétant du plafond sur mes pieds
me traversant de part en part
me suivent et me précèdent
m'endorment et m'éveillent
me jettent par la fenêtre pour me faire monter par l'ascenseur
et réciproquement




Bogavante

Las garzas de tu voz brotan del zarzal ardiente de tus labios
en los que el caballero de La Barre se consumiría gustoso
Los gavilanes de tu mirada pescan sin sospecharlo todas las sardinas de mi mente
tu aliento de pensamientos salvajes
que se reflejan del techo sobre mis pies
me atraviesan de par en par
me siguen y me preceden
me duermen y me despiertan
me arrojan por la ventana para hacerme subir por el elevador
y viceversa




Attendre

Meurtri par les grandes plaques de temps
l'homme s'avance comme les veines de marbre qui veulent se ménager des yeux
dans un torrent où les truites à tête de ventilateur
traînent de lourds chariots de mousse de champagne
qui noircissent tes cheveux de château fort
où la pariétaire n'ose pas s'aventurer
de crainte d'être dévorée
au delà de la grande plaine glacière où les dinosaures couvent encore
leurs œufs d'où ne sortiront pas de tulipes d'hématite
mais des caravanes de hérissons au ventre bleu
de crainte d'être avalées par la fontaine d'éclairs de mer
engendrée par ton regard où volent d'impalpables papillons de nuit
vêtus de gares fermées dont je cherche la clé de signal ouvert
sans rien trouver
sinon des fers à cheval gelés
qui bondissent comme un parapluie dans une oreille
et des canards d'orties fraiches
graves comme des huîtres




Esperar

Herido por las grandes placas de tiempo
el hombre avanza como las vetas del mármol que quieren hacerse de ojos
en un torrente donde las truchas con cabeza de ventilador
arrastran pesadas carretas de espuma de champaña
que ennegrecen tus cabellos de castillo
donde la parietaria no se aventura
por miedo a ser devorada
más allá de la gran llanura glaciar donde los dinosaurios todavía incuban
sus huevos de los que no saldrán tulipanes de hematites
sino caravanas de erizos de vientre azul
por miedo a ser engullidos por la fuente de relámpagos de mar
engendrada por tu mirada donde vuelan impalpables mariposas nocturnas
vestidas de estaciones de tren cerradas cuya llave de señal abierta busco
sin encontrar nada
salvo herraduras heladas
que saltan como un paraguas en una oreja
y patos de ortigas frescas
graves como ostras




À quand

Demain fera éclater des orages d'éclipses de lune
ou jaillir des éclairs de sodium
selon que tu le regarderas comme un wagon à bestiaux
semblable à un amas de flics dans la neige
qui voudrait les manger
ou que tu l'appelleras comme un fantôme
qui vous épluche les œufs durs comme le Bottin
si maigre aujourd'hui qu'on dirait un cache-poussière
qui a perdu ses lunettes comme une mer qui voit s'enfoncer son île
Demain n'est pas une branche de houx dans une douille d'obus
Demain n'est pas un repas à prix fixe comme une sauterelle
ni le sourire de la concierge qui envie le sort des harengs dans leur caisse
ni un défilé de boy-scouts conduits par une bénédiction dans un caleçon
ni l'herbe qui pousse entre les pavés honteux de ne pas pendre au cou d'un noyé
mais si tu le veux lueur entre des rails de tramway
la nuit
alors que les troupeaux de scarabées rouges aux yeux de Siamois
murmurent à mes oreilles comme un canard épuisé
Rosa fuit Rosa fuit
demain jaillira du désert comme une oasis flottante
où les pierres crient à tue-tête
je t'ai vu drapeau de charbon aux étoiles bleues




Hasta cuándo

Mañana hará estallar tormentas de eclipses lunares
o brotar relámpagos de sodio
dependiendo de si lo miras como un vagón de ganado
parecido a un montón de policías en la nieve
que querría comerlos
o si lo llamas como un fantasma
que pela huevos duros como la guía telefónica
tan flaca estos días que parece un guardapolvo
que perdió sus lentes como un mar que mira su isla hundirse
Mañana no es una rama de muérdago en un cartucho de obús
Mañana no es un menú del día como un saltamontes
ni la sonrisa de la portera que envidia la suerte de los arenques en su lata
ni un desfile de boy-scouts guiados por una bendición en calzones
ni la hierba que crece entre los adoquines avergonzados por no colgar del cuello
de un ahogado
pero si tú quieres resplandor entre rieles de tranvía
en la noche           
mientras manadas de escarabajos carmesíes con ojos de siamés
murmuran en mis oídos como un pato exhausto
Rosa huye Rosa huye
mañana brotará del desierto como un oasis flotante
donde las piedras se desgañitan gritando
ya te vi bandera de carbón con estrellas azules




Écoute

Si tu m'abritais comme un hanneton dans un placard
hérissé de perce-neige colorés par tes yeux de voyage au long cours
lundi mardi etc ne seraient plus qu'une mouche
sur une place bordée de palais en ruine
d'où sortirai une immense végétation de corail
et de châles brodés
où l'on voit
des arbres abattus qui s'en vont obliquement
se confondre avec les bancs des squares
où je dormais en attendant que tu viennes
comme une forêt qui attend le passage d'une comète pour voir clair
dans ses fourrés qui gémissent comme une cheminée
appelant la bûche qu'elle désire depuis qu'elle baille
comme une carrière abandonnée
et nous grimperions comme un escalier dans une tour
pour nous voir disparaître
au loin
comme une table emportée par l'inondation




Escucha

Si me resguardaras como un abejorro en un clóset
erizado de flores nube coloreadas por tus ojos de lejano viaje
lunes martes etc no serían más que una mosca
sobre una plaza bordeada de palacios en ruinas
de los que saldría una inmensa vegetación de coral
y de chales bordados
en los que se ven
árboles derribados que se van oblicuamente
a confundirse con las bancas de los parques
donde yo dormía esperando que llegaras
como un bosque que espera el paso de un cometa para ver claro
en las malezas que gimen como una chimenea
llamando al leño que desea desde que bosteza
como una cantera abandonada
y treparíamos como escalera en una torre
para mirarnos desaparecer
a lo lejos
como una mesa arrastrada por la corriente




Source

Il est Rosa moins Rosa
dit la giboulée qui se réjouit de rafraîchir le vin blanc
en attendant de défoncer les églises un quelconque jour de Pâques
Il est Rosa moins Rosa
et quand le taureau furieux de la grande cataracte m'envahit
sous ses ailes de corbeaux chassés de mille tours en ruines
quel temps fait-il
Il fait un temps Rosa avec un vrai soleil de Rosa
et je vais boire Rosa en mangeant Rosa
jusqu'à ce que je m'endorme d'un sommeil de Rosa
vêtu de rêves Rosa
et l'aube Rosa me réveillera comme un champignon Rosa
où se verra l'image de Rosa entourée d'un halo Rosa




Manantial

Son las Rosa menos Rosa
dijo el aguacero feliz de refrescar el vino blanco
mientras espera destruir las iglesias un día cualquiera de Pascua
Son las Rosa menos Rosa
y cuando el toro furioso de la gran catarata me invade
bajo sus alas de cuervos expulsados de mil torres en ruinas
qué tiempo hace
Hace Rosa con un verdadero sol de Rosa
voy a beber Rosa y comer Rosa
hasta hundirme en un letargo de Rosa
vestido de sueños Rosa
y el alba Rosa me despierte como un hongo Rosa
en donde se verá la imagen de Rosa rodeada de un halo Rosa



[1] Todos los poemas proceden del poemario Je sublime, Éditions surréalistes, 1936.