No. 110 / Junio-julio 2018
Clásicos


Traducciones de la Antología de la poesía parnasiana*


Versiones de Miguel Ángel Feria



Théophile Gautier

L’Art

Oui, l’oeuvre sort plus belle
D’une forme au travail
Rebelle,
Vers, marbre, onyx, émail.

Point de contraintes fausses!
Mais que pour marcher droit
Tu chausses,
Muse, un cothurne étroit.

Fi du rhythme commode,
Comme un soulier trop grand,
Du mode
Que tout pied quitte et prend!

Statuaire, repousse
L’argile que pétrit
Le pouce,
Quand flotte ailleurs l’esprit;

Lutte avec le carrare,
Avec le paros dur
Et rare,
Gardiens du contour pur;

Emprunte à Syracuse
Son bronze où fermement
S’accuse
Le trait fier et charmant;

D’une main délicate
Poursuis dans un filon
D’agate
Le profil d’Apollon.

Peintre, fuis l’aquarelle,
Et fixe la couleur
Trop frêle
Au four de l’émailleur.

Fais les sirènes bleues,
Tordant de cent façons
Leurs queues,
Les monstres des blasons;

Dans son nimbe trilobe
La Vierge et son Jésus,
Le globe
Avec la croix dessus.

Tout passe. - L’art robuste
Seul a l’éternité.
Le buste
Survit à la cité.

Et la médaille austère
Que trouve un laboureur
Sous terre
Révèle un empereur.

Les dieux eux-mêmes meurent,
Mais les vers souverains
Demeurent
Plus forts que les airains.

Sculpte, lime, cisèle;
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant! 



El arte

Sí, más bella surge la obra
de una forma que al trabajo
se resista, ya sea verso,
mármol, ónice o esmalte.

Sin falsas imposiciones,
pero yendo por derecho
calza, musa, tu coturno
ajustado bien al paso.

Y rechaza el ritmo fácil
como el de un zapato holgado
que ya dio todo de sí,
que a todo pie se acomoda.

Escultor, y tú la arcilla
siempre dócil al pulgar
desdeña cuando presagies
que flota la inspiración:

mídete con el carrara,
lucha con el paros duro,
raros mármoles que guardan
en sí los puros perfiles;

requiere de Siracusa
su bronce que con firmeza
va revelando los trazos
soberbios y sensuales;

y con mano delicada
persigue por un filón
de ágata la silueta
adolescente de Apolo.

Huye, pintor, de acuarelas,
y fija bien el color
demasiado desvaído
en el horno de esmaltar.

Date a sirenas azules,
a retorcer de cien modos
las colas de las quimeras
en emblemas y blasones;

o al nimbo trilobulado
con la Virgen y Jesús,
con el globo de la tierra
y la santa cruz encima.

Todo pasa. Sólo el arte
robusto siempre es eterno.
El busto tan solamente
sobrevive a la ciudad;

y la rústica medalla
que el labriego descubriese
bajo tierra deja ver
un rostro de emperador.

Los propios dioses fenecen,
mas nunca los soberanos
versos que se inmortalizan
con más fuerza que los bronces.

¡Esculpe, lima, cincela,
y que tu sueño inasible
sellado quede por fin
en el bloque resistente!




Théodore de Banville


Sculpteur, cherche avec soin, en attendant l’extase…


Sculpteur, cherche avec soin, en attendant l’extase,
Un marbre sans défaut pour en faire un beau vase;
Cherche longtemps sa forme et n’y retrace pas
D’amours mystérieux ni de divins combats.
Pas d’Héraklès vainqueur du monstre de Némée,
Ni de Cypris naissant sur la mer embaumée;
Pas de Titans vaincus dans leurs rébellions,
Ni de riant Bacchus attelant les lions
Avec un frein tressé de pampres et de vignes;
Pas de Léda jouant dans la troupe des cygnes
Sous l’ombre des lauriers en fleurs, ni d’Artémis
Surprise au sein des eaux dans sa blancheur de lys.
Qu’autour du vase pur, trop beau pour la Bacchante,
La verveine mêlée à des feuilles d’acanthe
Fleurisse, et que plus bas des vierges lentement
S’avancent deux à deux, d’un pas sûr et charmant,
Les bras pendant le long de leurs tuniques droites
Et les cheveux tressés sur leurs têtes étroites. 



Busca bien, escultor, esperando a las musas…

Busca bien, escultor, esperando a las musas,
un mármol sin defectos para un ánfora bella;
busca sus formas puras y en ellas no perfiles
amores misteriosos ni combates de dioses.
A Heracles vencedor del monstruo de Nemea,
ni a Venus Citerea naciendo de la mar,
revueltas de Titanes sometidos y tristes,
ni al risueño dios Baco que enjaeza leones
con un freno trenzado de pámpanos y viñas;
a Leda retozando con un coro de cisnes
bajo el laurel en flor, ni en el seno del agua
sorprendas a Artemisa más blanca que los lirios
ni a impúdicas Bacantes. Que alrededor del ánfora
florezcan las verbenas y las hojas de acanto,
y avancen lentamente las parejas de vírgenes
con pasos sosegados y un aire encantador,
los brazos a lo largo de sus túnicas lisas
y las trenzas orlando sus cabezas perfectas.




Leconte de Lisle


Midi

Midi, Roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L’air flamboie et brûle sans haleine;
La Terre est assoupie en sa robe de feu.

L’étendue est immense, et les champs n’ont point d’ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux;
La lointaine forêt, dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.

Seuls, les grands blés mûris, tels qu’une mer dorée,
Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil;
Pacifiques enfants de la Terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du Soleil.

Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S’éveille, et va mourir à l’horizon poudreux.

Non loin, quelques boeufs blancs, couchés parmi les herbes,
Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu’ils n’achèvent jamais.

Homme, si, le coeur plein de joie ou d’amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis! la Nature est vide et le Soleil consume:
Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux.

Mais si, désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l’oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté,

Viens! Le Soleil te parle en paroles sublimes;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le coeur trempé sept fois dans le Néant divin.
 


Cenit

Cenit, Rey del verano, disperso en la llanura,
cae en filones de plata del alto cielo azul.
Silencio. Arde el aire y abrasa sin aliento;
la Tierra se adormece bajo un manto de llamas.

La extensión es inmensa, ni una sombra en los campos,
y el cauce en que bebían las bestias se agostó;
allá duerme la selva, de linderos sombríos,
inmóvil y lejana, en pesado reposo.

Sólo el trigo maduro, océano dorado,
se resiste a dormir dilatado a lo lejos;
pacífico retoño de la Tierra sagrada,
sin miedo va apurando la crátera del Sol.

A veces, un suspiro de su espíritu ardiente
murmuran para sí las pesadas espigas,
y es una ondulación majestuosa y lenta
que se desvela y muere por el confín de polvo.

Algunos bueyes blancos, echados en la hierba,
babean lentamente por espesas papadas,
siguiendo con sus ojos lánguidos y soberbios
un soñar interior que no cesa jamás.

Hombre: si, llena el alma de dicha o de amargura,
cruzas bajo el cenit los campos luminosos,
¡huye! que está vacía toda Naturaleza,
quema el Sol, nada vive, nada es triste ni alegre.

Mas si desengañado de risas y de lágrimas,
sediento del olvido de este mundo agitado,
sin saber perdonar ni maldecir siquiera
quieres darte a un placer supremo y taciturno,

¡Ven, pues! El Sol te habla con palabras sublimes;
en su flama implacable te absorbe sin final.
Y vuelve a las ciudades innobles con el alma
siete veces templada por la Nada divina.



 
José-Maria de Heredia


Les Conquérants

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré;

Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.


Los Conquistadores

Como halcones que vuelan del osario natal,
hartos de soportar sus altivas miserias,
de Palos de Moguer, nautas y capitanes
ebrios de un sueño heroico y brutal embarcaban.

Iban a conquistar el metal fabuloso
que Cipango madura en sus lejanas minas,
y los vientos alisios inclinaron sus mástiles
al borde misterioso del mundo occidental.

Cada tarde, anhelando sus épicos mañanas,
la azul fosforescencia de la mar de los trópicos
hechizaba sus sueños de un dorado espejismo;

o alzados en la proa de blancas carabelas,
miraban ascender en un cielo ignorado
del fondo del Océano nuevas constelaciones.



* Colección “Letras Universales”, Editorial Cátedra, 2016.