No. 91 / Julio - Agosto 2016
Teotihuacán
Je marchais seul dans l'Allée des Morts
De chaque côté
les spectres de mes ancêtres
s'inclinaient sur mon passage
Depuis longtemps ils m'attendaient
avec leurs prières secrètes
J'allais d'un pas lent mais assuré
présider à mon sacrifice
J'étais une ombre avant même de mourir
Je portais ma cendre
dans un calice serti de petits crânes menaçants
Ainsi j'allais à la pyramide du Soleil
m'offrir aux vents mauvais et aux enfers ancestraux
J'ai gravi les marches sans m'arrêter
tout en récitant à haute voix les litanies
de ceux qui ont déjà renoncé à la vie
Tout en haut
et seul comme je l'ai toujours été
j'ai penché mon calice
Sous le vent mauvais je m'apprêtais à disperser mes
cendres
J'étais prêt à retourner au néant
qui m'appelait depuis si longtemps
À cet instant je t'ai vue
Je t'ai vue quand tu t'es approchée de moi
alors que j'étais en larmes et en effroi
Je t'ai vue dans les couleurs éclatantes de ta robe
dans l'anthracite de tes yeux
dans l'ébène de tes cheveux
Tu es venue à moi
et à toi seule tu étais lumière du monde
tout ton être vibrant pour cet instant solennel
Aussitôt je me suis senti libre
d'aimer à nouveau ce monde amer
que je m'apprêtais à quitter
en silence et sur la pointe des pieds
Maintenant tu es mon éternité
mon espace infini où je marcherai
enfin
vers ma destinée
Avant de descendre
je te laisserai ma gratitude
pour me perdre dans le Soleil levant
Avant de descendre
je t’offrirai mon cœur
car je te dois la vie
Une vie que tu seras libre de reprendre
quand tu cesseras de m’aimer
Le vendredi 17 octobre 2014
Teotihuacán
Caminaba solo en la Calzada de los Muertos
En cada lado
los espíritus de mi ancestros
se inclinaban al verme pasar
Desde hace mucho tiempo me esperaban
con sus plegarias secretas
Yo era una sombra incluso antes de morir
Llevaba mi ceniza
en un cáliz engarzado con pequeños cráneos amenazantes
Así me dirigía a la pirámide del Sol
para ofrecerme a los aciagos vientos y a los infiernos
ancestrales
Subí los peldaños sin detenerme
recitando en voz alta las letanías
de quienes ya renunciaron a la existencia
En lo alto
y solitario como he estado siempre
incliné mi cáliz
En el viento aciago me disponía a dispersar mis cenizas
Estaba listo para retornar a la nada
que por mí clamaba tiempo atrás
En ese instante te miré
Te miré cuando te acercaste a mí
mientras el llanto y el miedo me envolvían
Te descubrí en los colores rutilantes de tu vestido
en la antracita de tus ojos
en el ébano de tus cabellos
Llegaste a mí
y tú sola eras la luz del mundo
todo tu ser vibraba durante ese instante solemne
De inmediato me sentí libre
para amar de nuevo este mundo amargo
que me aprestaba a abandonar
en silencio y de puntillas
Ahora eres mi eternidad
mi espacio infinito adonde viajaré
finalmente
hacia mi destino
Antes de descender
te dejaré mi gratitud
para extraviarme en el Sol del alba
Antes de descender
te ofrendaré mi corazón
porque te debo la vida
Una vida que libre serás de retomar
cuando dejes de amarme
Viernes 17 de octubre de 2014
Dans tes yeux
Dans tes yeux
la nuit la plus noire
la lumière infinie de Mexico
ne peut éclairer ton regard redevenu seul
Pourtant j’aime ta vie
aux mouvements impétueux
à la profonde respiration
J’ai cru un instant
que ton silence se cachait
sous les sept pyramides du Templo Mayor
tandis que nos caresses dilataient l’espace
qui nous sépare du hasard
À chaque battement
je ne pouvais traduire l’incertitude de ton cœur
Mon souffle sur tes seins frémissants
j’épelais mes pauvres mots d’amant étrange
parmi lesquels tu choisiras
sûrement
ceux qui te sauveront de ma déchéance
Déposeras-tu ta main sur mon visage tuméfié
pour masquer
enfin
un regard à la fois sombre et clair
mais prêt au partage?
Nous sommes deux
dans un même temps noué
qui s’usera
peut-être
quand seront réunies les conditions parfaites
d’une authentique danse amoureuse
Nous sommes deux
et seuls
dans une ville innombrable
Il faut espérer voir le jour se lever
sur la liberté de choisir le lieu et l’heure
Alors nous n’entendrons plus le vieilles prières
des prêtres ensanglantés
toujours prêts au sacrifice
de la multitude innocente qui ne sait rien
du ciel trop sombre pour supporter les étoiles
Le 17 décembre 2014
En tus ojos
En tus ojos
la noche más oscura
La inagotable luz de México
no puede alumbrar tu mirada que se tornó solitaria
Sin embargo amo tu vida
con los impetuosos movimientos
cuando respiras profundamente
Pensé por un instante
que tu silencio se ocultaba
bajo las siete pirámides del Templo Mayor
mientras que nuestras caricias ensanchaban el espacio
que nos separa del azar
En cada latido
yo no podía traducir la incertidumbre de tu corazón
Mi aliento sobre tus senos trémulos
yo deletreaba mis humildes palabras de amante extraño
entre las cuales escogerías
seguramente
las que te salvarán de mi caída
¿Colocarás tu mano en mi rostro tumefacto
para enmascarar
por fin
una mirada sombría y transparente a la vez
pero lista para compartir?
Somos dos
en un mismo tiempo anudado
que se utilizará
tal vez
cuando se reúnan las condiciones ideales
de una auténtica danza amorosa
Somos dos
y solos
en una ciudad multiforme
Debemos esperar para ver erguirse el día
con la libertad de escoger la hora y el lugar
Entonces ya no escucharemos las antiguas plegarias
de los sacerdotes ensangrentados
siempre prestos para el sacrificio
de la multitud inocente que nada conoce
del cielo demasiado sombrío para soportar las estrellas
17 de diciembre de 2014
Ton silence
Je ne comprends pas ton silence
Partout mexico étend sa rumeur
Maintenant elle recouvre la voix
qui t’a vue naître
Je ne pleure plus
depuis que Tláloc a disparu avec la dernière sécheresse
À une fenêtre brisée
je vois les ombres se perpétuer
quand elles passent sans cesse
devant les murs lépreux où j’ai écrit ton nom
en lettres de feu
Hier tu m’as dit
entre deux étreintes
qu’il est vain de plaindre sa destinée
mais j’ai besoin de ta voix pour la retrouver
Et ta voix
seule
peut attenter à ma douleur
d’être aussi seul
loin de toi
Quand tu m’as quitté
derrière tes pas j’ai murmuré tes dernières paroles
surtout celles qui appelaient au désir
de trouver les nouveaux lieux
où nous pourrons encore sacrifier au corps amoureux
Je sais que
seul l’écho de tes mots
permettra de te retrouver
parmi les rares pistes qui ne mènent pas aux Enfers
Mais dans le tumulte de ta ville
je ne t’ai pas trouvée
ni l’aurore flamboyant
ni au ciel qui descend avec le crépuscule
Sans tes mots
le jour se lève en nuit éternelle
où se trament les complots
contre les anges nouveaux et les étranges futurs
Sais-tu que le silence est un fruit sec
qu’il ne faut jamais partager
avec celui qui a renoncé à la parole ?
Sais-tu que la vie ne sème jamais au hasard
sans avoir compté une à une
les graines de l’amour et de la haine ?
Même si la nature ne répond jamais à nos prières
tu n’es pas la nature
ô ma bien-aimée
Alors je ne comprends pas ton silence
Pourtant je ne te demande rien
Si
Rien qu’une dernière parole pour le condamné à vivre
chaque instant
dans un temps qui appartient aux êtres
ignorant la nature de la mort
Le 7 décembre 2014
Tu silencio
No comprendo tu silencio
En todo México despliega su rumor
Ahora él reviste la voz
que te vio nace
No lloro más
desde que Tláloc desapareció con la última sequía
Por una ventana rota
miro perpetuarse las sombras
cuando pasan sin cesar
ante los muros leprosos donde escribí tu nombre
con letras de fuego
Ayer me dijiste
entre dos abrazos
que es en vano quejarse de su destino
pero preciso de tu voz para encontrarlo
Y tu voz
misma
puede atentar contra mi dolor
de estar también solo
lejos de ti
Cuando te fuiste
tras tus pasos murmuré tus últimas palabras
sobre todo las que convocaban al deseo
de encontrar los nuevos lugares
donde podremos todavía sacrificar al cuerpo enamorado
Sé que
nada más el eco de tus palabras
permitirá encontrarte
entre las extrañas pistas que no conducen a los Infiernos
Pero en el alboroto de tu ciudad
no te he hallado
ni en la aurora flameante
ni en el cielo que declina con el crepúsculo
Sin tus palabras
el día se yergue como noche eterna
donde se urden los complots
contra los nuevos ángeles y los futuros inescrutables
¿Acaso sabes que el silencio es un fruto marchito
que jamás debe compartirse
con quien ha renunciado a la palabra?
¿Acaso sabes que la vida nunca siembra al azar
sin haber contado una por una
las semillas del amor y del odio?
Incluso si la naturaleza jamás responde a nuestras plegarias
tú no eres la naturaleza
oh mi bien amada
Así que no comprendo tu mutismo
Sin embargo nada te pido
Sí
Nada sino una última palabra para el condenado a vivir
cada instante
en un tiempo que pertenece a los seres
que ignoran la naturaleza de la muerte
7 de diciembre de 2014