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Amores / México
(Amours / Mexico)
Renaud Longchamps
Trad. Silvia Pratt
Mantis Editores,
Guadalajara, 2016.
 
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No. 91 / Julio - Agosto 2016


Teotihuacán

Je marchais seul dans l'Allée des Morts

De chaque côté
les spectres de mes ancêtres
s'inclinaient sur mon passage

Depuis longtemps ils m'attendaient
avec leurs prières secrètes

J'allais d'un pas lent mais assuré
présider à mon sacrifice

J'étais une ombre avant même de mourir

Je portais ma cendre
dans un calice serti de petits crânes menaçants

Ainsi j'allais à la pyramide du Soleil
m'offrir aux vents mauvais et aux enfers ancestraux

J'ai gravi les marches sans m'arrêter
tout en récitant à haute voix les litanies
de ceux qui ont déjà renoncé à la vie

Tout en haut
et seul comme je l'ai toujours été
j'ai penché mon calice

Sous le vent mauvais je m'apprêtais à disperser mes
    cendres

J'étais prêt à retourner au néant
qui m'appelait depuis si longtemps

À cet instant je t'ai vue

Je t'ai vue quand tu t'es approchée de moi
alors que j'étais en larmes et en effroi

Je t'ai vue dans les couleurs éclatantes de ta robe
dans l'anthracite de tes yeux
dans l'ébène de tes cheveux

Tu es venue à moi
et à toi seule tu étais lumière du monde
tout ton être vibrant pour cet instant solennel

Aussitôt je me suis senti libre
d'aimer à nouveau ce monde amer
que je m'apprêtais à quitter
en silence et sur la pointe des pieds

Maintenant tu es mon éternité
mon espace infini où je marcherai
enfin
vers ma destinée

Avant de descendre
je te laisserai ma gratitude
pour me perdre dans le Soleil levant

Avant de descendre
je t’offrirai mon cœur
car je te dois la vie

Une vie que tu seras libre de reprendre
quand tu cesseras de m’aimer

                                        Le vendredi 17 octobre 2014




Teotihuacán

Caminaba solo en la Calzada de los Muertos

En cada lado
los espíritus de mi ancestros
se inclinaban al verme pasar

Desde hace mucho tiempo me esperaban
con sus plegarias secretas

Yo era una sombra incluso antes de morir

Llevaba mi ceniza
en un cáliz engarzado con pequeños cráneos amenazantes

Así me dirigía a la pirámide del Sol
para ofrecerme a los aciagos vientos y a los infiernos
    ancestrales

Subí los peldaños sin detenerme
recitando en voz alta las letanías
de quienes ya renunciaron a la existencia

En lo alto
y solitario como he estado siempre
incliné mi cáliz

En el viento aciago me disponía a dispersar mis cenizas

Estaba listo para retornar a la nada
que por mí clamaba tiempo atrás

En ese instante te miré

Te miré cuando te acercaste a mí
mientras el llanto y el miedo me envolvían

Te descubrí en los colores rutilantes de tu vestido
en la antracita de tus ojos
en el ébano de tus cabellos

Llegaste a mí
y tú sola eras la luz del mundo
todo tu ser vibraba durante ese instante solemne

De inmediato me sentí libre
para amar de nuevo este mundo amargo
que me aprestaba a abandonar
en silencio y de puntillas

Ahora eres mi eternidad
mi espacio infinito adonde viajaré
finalmente
hacia mi destino

Antes de descender
te dejaré mi gratitud
para extraviarme en el Sol del alba

Antes de descender
te ofrendaré mi corazón
porque te debo la vida

Una vida que libre serás de retomar
cuando dejes de amarme

                                        Viernes 17 de octubre de 2014




Dans tes yeux

Dans tes yeux
la nuit la plus noire

la lumière infinie de Mexico
ne peut éclairer ton regard redevenu seul

Pourtant j’aime ta vie
aux mouvements impétueux
à la profonde respiration

J’ai cru un instant
que ton silence se cachait
sous les sept pyramides du Templo Mayor
tandis que nos caresses dilataient l’espace
qui nous sépare du hasard

À chaque battement
je ne pouvais traduire l’incertitude de ton cœur

Mon souffle sur tes seins frémissants
j’épelais mes pauvres mots d’amant étrange
parmi lesquels tu choisiras
sûrement
ceux qui te sauveront de ma déchéance

Déposeras-tu ta main sur mon visage tuméfié
pour masquer
enfin
un regard à la fois sombre et clair
mais prêt au partage?

Nous sommes deux
dans un même temps noué
qui s’usera
peut-être
quand seront réunies les conditions parfaites
d’une authentique danse amoureuse

Nous sommes deux
et seuls
dans une ville innombrable

Il faut espérer voir le jour se lever
sur la liberté de choisir le lieu et l’heure

Alors nous n’entendrons plus le vieilles prières
des prêtres ensanglantés
toujours prêts au sacrifice
de la multitude innocente qui ne sait rien
du ciel trop sombre pour supporter les étoiles

                                        Le 17 décembre 2014




En tus ojos

En tus ojos
la noche más oscura

La inagotable luz de México
no puede alumbrar tu mirada que se tornó solitaria

Sin embargo amo tu vida
con los impetuosos movimientos
cuando respiras profundamente

Pensé por un instante
que tu silencio se ocultaba
bajo las siete pirámides del Templo Mayor
mientras que nuestras caricias ensanchaban el espacio
que nos separa del azar

En cada latido
yo no podía traducir la incertidumbre de tu corazón

Mi aliento sobre tus senos trémulos
yo deletreaba mis humildes palabras de amante extraño
entre las cuales escogerías
seguramente
las que te salvarán de mi caída

¿Colocarás tu mano en mi rostro tumefacto
para enmascarar
por fin
una mirada sombría y transparente a la vez
pero lista para compartir?

Somos dos
en un mismo tiempo anudado
que se utilizará
tal vez
cuando se reúnan las condiciones ideales
de una auténtica danza amorosa

Somos dos
y solos
en una ciudad multiforme

Debemos esperar para ver erguirse el día
con la libertad de escoger la hora y el lugar

Entonces ya no escucharemos las antiguas plegarias
de los sacerdotes ensangrentados
siempre prestos para el sacrificio
de la multitud inocente que nada conoce
del cielo demasiado sombrío para soportar las estrellas

                                        17 de diciembre de 2014




Ton silence

Je ne comprends pas ton silence

Partout mexico étend sa rumeur

Maintenant elle recouvre la voix
qui t’a vue naître

Je ne pleure plus
depuis que Tláloc a disparu avec la dernière sécheresse

À une fenêtre brisée
je vois les ombres se perpétuer
quand elles passent sans cesse
devant les murs lépreux où j’ai écrit ton nom
en lettres de feu

Hier tu m’as dit
entre deux étreintes
qu’il est vain de plaindre sa destinée
mais j’ai besoin de ta voix pour la retrouver

Et ta voix
seule
peut attenter à ma douleur
d’être aussi seul
loin de toi

Quand tu m’as quitté
derrière tes pas j’ai murmuré tes dernières paroles
surtout celles qui appelaient au désir
de trouver les nouveaux lieux
où nous pourrons encore sacrifier au corps amoureux
Je sais que
seul l’écho de tes mots
permettra de te retrouver
parmi les rares pistes qui ne mènent pas aux Enfers

Mais dans le tumulte de ta ville
je ne t’ai pas trouvée
ni l’aurore flamboyant
ni au ciel qui descend avec le crépuscule

Sans tes mots
le jour se lève en nuit éternelle
où se trament les complots
contre les anges nouveaux et les étranges futurs

Sais-tu que le silence est un fruit sec
qu’il ne faut jamais partager
avec celui qui a renoncé à la parole ?

Sais-tu que la vie ne sème jamais au hasard
sans avoir compté une à une
les graines de l’amour et de la haine ?

Même si la nature ne répond jamais à nos prières
tu n’es pas la nature
ô ma bien-aimée

Alors je ne comprends pas ton silence

Pourtant je ne te demande rien

Si

Rien qu’une dernière parole pour le condamné à vivre
chaque instant
dans un temps qui appartient aux êtres
ignorant la nature de la mort

                                        Le 7 décembre 2014




Tu silencio

No comprendo tu silencio

En todo México despliega su rumor

Ahora él reviste la voz
que te vio nace

No lloro más
desde que Tláloc desapareció con la última sequía

Por una ventana rota
miro perpetuarse las sombras
cuando pasan sin cesar
ante los muros leprosos donde escribí tu nombre
con letras de fuego

Ayer me dijiste
entre dos abrazos
que es en vano quejarse de su destino
pero preciso de tu voz para encontrarlo

Y tu voz
misma
puede atentar contra mi dolor
de estar también solo
lejos de ti

Cuando te fuiste
tras tus pasos murmuré tus últimas palabras
sobre todo las que convocaban al deseo
de encontrar los nuevos lugares
donde podremos todavía sacrificar al cuerpo enamorado

Sé que
nada más el eco de tus palabras
permitirá encontrarte
entre las extrañas pistas que no conducen a los Infiernos

Pero en el alboroto de tu ciudad
no te he hallado
ni en la aurora flameante
ni en el cielo que declina con el crepúsculo

Sin tus palabras
el día se yergue como noche eterna
donde se urden los complots
contra los nuevos ángeles y los futuros inescrutables

¿Acaso sabes que el silencio es un fruto marchito
que jamás debe compartirse
con quien ha renunciado a la palabra?

¿Acaso sabes que la vida nunca siembra al azar
sin haber contado una por una
las semillas del amor y del odio?

Incluso si la naturaleza jamás responde a nuestras plegarias
tú no eres la naturaleza
oh mi bien amada

Así que no comprendo tu mutismo

Sin embargo nada te pido



Nada sino una última palabra para el condenado a vivir
cada instante
en un tiempo que pertenece a los seres
que ignoran la naturaleza de la muerte

                                        7 de diciembre de 2014


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