Rey de los cien jinetes
Roi des cent cavaliers
Algunos son japoneses
En el otoño levantan vuelo.
Ganan el ecuador, penetran tan lejos que no tienen nada que comer.
Vuelven tan pronto que tienen frío y se mueren.
Que tienen frío y se mueren.
Mueren dos veces, diez veces.
Algunos son sedentarios y algunos migratorios.
Sus alas cortas vuelan mal.
Algunos son japoneses.
Vuelan dos millas, cinco millas, diez millas. Sin posarse.
¿Qué buscan? Buscan.
Su camino es el de los glaciares.
En el momento de la partida, el aire es perturbado pero vacío.
Aun enjaulados se agitan.
Certains sont japonais
A l'automne ils s'envolent./ Ils gagnent l'équateur, ils pénètrent si loin qu'ils n'ont rien à manger./ Ils reviennent si tôt qu'ils ont froid et qu'ils meurent./ Qu'ils ont faim et qu'ils meurent./ Ils meurent deux fois, dix fois./ Certains sont sédentaires et certains migrateurs./ Leurs ailes courtes volent mal./ Certains sont Japonais./ Ils volent deux milles, cinq milles, dix milles. Sans se poser./ Que cherchent-ils? On cherche./ Leur chemin est celui des glaciers./ Au moment du départ, l'air est troublé mais vide./ Même en cage ils s'agitent.
Viven diez años, veinte años, treinta años.
No se sientan. Tampoco duermen.
Sus alas carecen de manos.
Su boca carece de dientes.
Su vientre de vejiga.
Reducido a una cloaca.
De cloaca a cloaca copulan.
Así son livianos.
Levedad los conduce.
Los conduce lejos y alto.
Cuando son abatidos, si sus pulmones están llenos de sangre, respiran por los huesos de sus alas.
Prolongan mucho su vida.
Mucho su sufrimiento.
La muerte al menos viene.
Vivent dix ans, vingt ans, trente ans./ Ne s'assoient pas. Ne dorment pas non plus./ Leurs ailes manquent de mains./ Leur bouche manque de dents./ Leur ventre de vessie./ Réduit à un cloaque./ De cloaque à cloaque ils copulent./ Ainsi sont-ils légers./ Légèreté les mène./ Les mène loin et haut./ Quand ils sont abattus, si leurs poumons sont pleins de sang, ils respirent par les os de leurs ailes./ Prolongent leur vie d'autant./ Leur souffrance d'autant./ La mort quand même vient.
No todos están en el aire.
No obligados.
Algunos hacen agujeros, algunos nada, algunos trepan.
No abandonan su árbol o solamente para lavarse.
Que dura, que dura.
Con mucha frecuencia fueron masacrados.
En otra época eran abundantes.
Oscurecían el cielo.
Pero la tormenta viene desde abajo, al contrario de las creencias.
La tormenta los ha exterminado, vendidos en montón en los mercados, piel muerta, carne inútil.
Los ha tirado a los cerdos, transformado en abono.
¿Cómo era que los llamábamos?
¿Aves del paraíso?
Tous ne sont pas en l'air./ Pas obligés./ Certains creusent des trous, certains nagent, certains grimpent./ Ne quittent pas leur arbre ou seulement pour leur toilette./ Qui dure, qui dure./ Le plus souvent furent massacrés./ Autrefois ils étaient abondants./ Obscurcissaient le ciel./ Mais l'orage vient d'en bas, au contraire des croyances./ L'orage les a exterminés, vendus en vrac sur les marchés, peau morte, viande inutile./ Les a jetés aux porcs, transformés en engrais./ On les nommait comment déjà ?/ Paradisiers ?
Tienen el don del canto con tal de aprender.
A cantar se aprende como el resto.
Como irse al extremo del mundo.
Alzar los ojos.
Ofrecer las manos.
Sentarse delante de la puerta, con la cabeza inclinada.
Por la ventana abierta, mirar lo que brilla, lo que está detrás de los árboles, la sombra que llega con el atardecer.
Partir.
¡Vamos, vamos!
Tienen memoria.
Por ejemplo, cuando la puerta es demasiado grande, cuando un sueño los inquieta, que el sol se eleva y desciende, comprenden su dicha.
Se quedan, no tienen miedo.
Menos gris que de costumbre.
Ils ont le don du chant à condition d'apprendre./ Chanter s'apprend comme le reste./ Comme marcher au bout du monde./ Lever les yeux./ Offrir ses mains./ S'asseoir devant la porte, tête inclinée./ Par la fenêtre ouverte, regarder ce qui brille, qui est derrière les arbres, l'ombre qui vient avec le soir./ Partir./ Allez, allez !/ Ils ont de la mémoire./ Par exemple, quand la porte est trop grande, quand un rêve les tracasse, que le soleil monte et descend, ils comprennent leur bonheur./ Ils restent, ils n'ont pas peur./ Moins gris que de coutume.
Durante las masacres, algunos se salvaron.
El oro faltaba de su cuello.
Más tarde, cuando cantaron, cuando hablaron con las palabras de los antiguos maestros, de los maestros masacrados, nadie comprendió.
La lengua también había sido exterminada.
Como que, el mejor canto no basta.
Para cuidar el terreno, la hembra.
También hay que volar de noche.
No volver jamás ni siquiera después de años, a un lugar de peligro.
Continuar de otro modo y en otra parte.
Ser mejor cantor, mejor luchador.
Crear sin cesar variaciones.
Marchar en los colores que cambian, alrededor del círculo maravilloso.
Marcar el suelo.
Dibujar un cuadrado en su número.
Lors des massacres, certains furent épargnés. / L'or manquait à leur cou./ Plus tard, quand ils chantèrent, quand ils parlèrent avec les mots des anciens maîtres, des maîtres massacrés, nul ne comprit./ La langue aussi avait été exterminée./ Comme quoi, le meilleur chant ne suffit pas./ Pour garder le terrain, la femelle./ Il faut aussi voler la nuit./ Ne jamais retourner même après des années, sur un lieu de danger./ Continuer autrement et ailleurs./ Etre meilleur chanteur, meilleur lutteur./ Créer sans cesse des variations./ Marcher dans les couleurs qui changent, autour du cercle merveilleux./ Marquer le sol./ Dessiner un carré à son nombre.
On dit.
Ils ne savent ni parler ni chanter.
Ils répètent.
Les hommes aussi répètent, bien qu'ils aient deux cerveaux.
Les hommes sont des diables à qui manquent l'atmosphère, le courage, la lueur.
On dit.
Ils sont farceurs.
Oiseaux humains.
Ils chantent faux exprès, afin qu'on les imite, croyant bien faire.
Ou bien.
Ils annoncent un danger, l'épervier.
Afin qu'on prenne peur.
Dès qu'on s'enfuit ils rient.
Plissent les yeux et voient : à présent le jour neige.
Algunos son jardineros, construyen bóvedas que decoran.
Flores, espuma, conchillas. Regalos para amar.
La hembra tiene el derecho de negarse al homenaje, de volarse del balaustre.
Los espectadores están sobre las ramas.
En medio sobre el escenario, un actor hace como que se pelea.
Con un escorpión muerto o un ciempiés.
El actor no es actor, es un macho que quiere seducir. La hembra ha entrado en la fila, está entre los espectadores.
El macho la toma y la fecunda.
Cuando ella empolla, él la encierra entre paredes.
Durante días está cautiva, sus plumas se caen, ella las usa como almohadones.
El macho la alimenta.
Cuando ella sale él sólo tiene la piel sobre los huesos.
Certains sont jardiniers, ils construisent des tonnelles qu'ils décorent./ De fleurs, de mousse, de coquillages. De cadeaux pour aimer./ La femelle a le droit de refuser l'hommage, de s'envoler de la balustre./ Les spectateurs sont sur les branches./ Au milieu sur la scène, un acteur fait semblant de se battre./ Avec un scorpion mort ou un mille-pattes./ L'acteur n'est pas acteur, il est un homme qui veut séduire. La femelle est entrée dans le rang, elle est parmi les spectateurs./ Le mâle la prend et la féconde./ Quand elle couve, il l'emmure./ Pendant des jours elle est captive, ses plumes tombent, elle s'en sert de coussins./ Le mâle la nourrit./ Quand elle sort il n'a plus que la peau sur les os.
Prestidigitador coronado.
Su cabeza es gris.
Su nuca roja.
Canturrea, centinela.
Está perdido, enmascarado, apostado.
Las narinas emplumadas.
El pico abierto y la cola negra.
Sus mejillas son grises.
Ladra, combate, arlequín.
Es dorado, grácil.
Encopetado, ceniciento, feroz.
Intermediario.
Rapaz y variable.
Marcial y montañés.
Bateleur couronné./ Sa tête est grise./ Sa nuque rousse./ Il bourdonne, sentinelle./ Il est flambé, masqué, pointé./ Les narines emplumées./ Le bec ouvert et la queue noire./ Ses joues sont grises./ Il aboie, il combat, arlequin./ Il est doré, gracile./ Huppé, cendré, féroce./ Intermédiaire./ Ravisseur et variable./ Martial et montagnard.
Habita las peñas, el desierto, los pantanos.
Su nuca es azul.
Su vientre es blanco.
Su nuca es amarilla.
Es apagado, con lomo verde.
Es viudo, con dos manchas.
Se lo llama jacobino, capuchino, solitario.
Episcopal.
Se lo llama políglota, picabuey, de briznas largas.
Sedoso del Senegal.
Negro de Fernando Po.
Vestido con capa amarilla.
Con anteojos orientales.
Sin hablar de la rabadilla tricolor.
Il habite les rochers, le désert, les marais./ Sa nuque est bleue./ Son ventre est blanc./ Sa nuque est jaune./ Il est terne, à dos vert./ Il est veuf, à deux taches./ On le dit jacobin, capucin, solitaire./ Episcopal./ On le dit polyglotte, garde-boeuf, à longs brins./ Soyeux du Sénégal./ Noir de Fernando Po./ Vêtu de cape jaune./ A lunettes orientales./ Sans parler du croupion tricolore.
El niño tomó las palabras, las aves y los vientos.
Hizo con ellos cien partes.
Pongo todo de mi vida, adoro eso.
Besar la noche, su borde, es mi cocina.
Bebe el negro de a sorbos, ve las transparencias.
Como se dice, el otro mundo.
El negro en lluvia, el blanco cargado.
Cáscaras y plumas.
Las sombras a veces, las tentaciones.
Golpes mojados detrás del vidrio.
Aureolas debajo del claro.
Detrás de los postigos cerramos, la luz exterior.
Los colores sin colores, pronto lavados, del desierto, donde el niño se pasea entre las rocas blancas.
Rey de los cien jinetes.
L'enfant a pris les mots, les oiseaux et les vents./ Il en a fait cent parts./ Je mets tout de ma vie, j'adore ça./ Baiser la nuit, son bord, c'est ma cuisine./ Il boit du noir en traits, il voit des transparences./ Comme on dit, l'autre monde./ Du noir en pluie, du blanc tassé./ Pelures et plumes./ Des ombres quelquefois, des tentations./ Des coups mouillés derrière la vitre./ Des cernes sous le clair./ Derrière les volets clos, la lumière extérieure./ Les couleurs sans couleurs, tôt lavées, du désert, où l'enfant se promène entre les rochers blancs./ Roi des cents cavaliers.
Marie Étienne nació en Vietnam (entonces Indochina) en 1938. Vive en París. Fue secretaria general del Théâtre des Quartiers d'Ivry y del Théâtre National de Chaillot, donde trabajo con Antoine Vitez y fue organizadora de las lecturas de poesía que allí tuvieron lugar entre 1980 y 1988. Desde 1976 es miembro del comité de redacción de Action Poétique y, desde 1985, del diario La Quinzaine littéraire.
Sus libros de poesía incluyen Blanc clos (1977), Le Point d'aveuglement (en colaboración con Gaston Planet, 1978), La Longe (1981), Péage, Lettres d'Idumée (1982), Le Sang du guetteur (1985), Les Barbares (1986). Como narradora, La Face et le lointain (1986), Eloge de la rupture (1991), Katana (1993) y Roi des cent cavaliers (2002). Antoine Vitez, professeur au Conservatoire (1981) es su único ensayo a la fecha.
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